24 avril 2024

Lionel Meney Brève bio

Lionel Meney est né en France. Il vit au Québec depuis 1969.

Il a suivi une formation en linguistique générale et en langues slaves à l’École normale supérieure de Saint-Cloud, à la Sorbonne, à Paris, et à l’Université de Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) en URSS. Il a obtenu son doctorat en linguistique à l’Université Laval sous la direction de Roch Valin.

Il est arrivé au Québec muni d’un contrat avec l’Université Laval dans le cadre des accords de coopération France-Québec dans le domaine de l’éducation. Il a enseigné le russe, le français dans les programmes de français langue seconde, et le français et la traduction dans ceux de traduction de 1969 à 2004 au département de Langues, linguistique et traduction.

Il s’est intéressé au français du Québec, inscrivant ses recherches dans les domaines de la variation linguistique entre les français de France et du Québec, et des idéologies linguistiques québécoises.

Il a publié un Dictionnaire québécois-français. Pour mieux se comprendre entre francophones (Montréal, Guérin, 1999). [finaliste du prix Marcel Couture du Salon du livre de Montréal]. Ce dictionnaire se distingue des glossaires québécois habituels par sa volonté de donner les équivalents exacts dans la même situation de communication et dans le même registre de langue. C’est ce qu’il a appelé un « dictionnaire bivariétal » sur le modèle des dictionnaires bilingues (1 800 pages, environ 9 000 entrées).

Exemple : pogner dans le Glossaire du parler au Canada est traité de la manière suivante : pogner : empoigner, saisir, prendre ; pogner un rhume : prendre un rhume. Dans le Dictionnaire québécois-français, le français québécois pogner fam. correspond, en français de France, non pas à prendre mais à choper fam. ; pogner un rhume fam: choper un rhume fam.

Il s’est aussi intéressé aux idéologies linguistiques québécoises dans deux ouvrages. Ces idéologies se résument en gros à une lutte d’influence entre partisans d’une norme nationale, endogène, et partisans d’une norme internationale, avec des nuances entre les positions extrêmes. Il a introduit le terme endogénisme dans le débat sur la norme linguistique.

Dans Main basse sur la langue. Idéologie et interventionnisme linguistique au Québec (Montréal, Liber, 2010) [finaliste du prix Victor Barbeau de l’Académie des lettres du Québec], il décrit le contexte géo-linguistico-politique québécois, certaines facettes de l’identité québécoise, l’idéologie qui se dégage du rapport Larose sur la langue, critique certains produits linguistiques comme le Dictionnaires québécois d’aujourd’hui (Saint-Laurent, DicoRobert, 1992) ou le Grand dictionnaire terminologique de l’OQLF.

Dans Le français québécois entre réalité et idéologie. Un autre regard sur la langue (Québec, Presses de l’Université Laval, 2017), il décrit les principales particularités du français québécois (phonétiques, grammaticales et lexicales), établit une typologie des anglicismes québécois, étudie la concurrence des anglicismes dans la presse d’ici, analyse les idéologies linguistiques d’auteurs québécois comme Gérard Dagenais, Jean Marcel et Jean-Claude Corbeil) et il présente les enjeux du débat sur la norme linguistique.

Le livre qu’il publie, Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais. Enquête (Québec, Presses de l’Université Laval, 2024), est, pour partie, un retour vers son idiome maternel, le français de France, tout en décrivant l’état (l’invasion des anglicismes) et la situation (la perte d’influence) du français à l’échelle française, européenne et planétaire.

Mots-clés : Lionel Meney, linguiste, biographie.

New French : Définition.

New French est la désignation par Lionel Meney de la langue hybride, mélange de français et d’anglais, en cours de formation. Le New French représente une étape supplémentaire dans l'anglicisation du français, après le franglais.

« Depuis quelques années, on assiste à de véritables déferlantes d’anglicismes. Au point que le franglais d’hier n’est rien comparé au New French d’aujourd’hui. Par New French, j’entends un français en processus d’hybridation, fortement marqué par des interférences lexicales, phraséologiques et grammaticales de l’anglais (les anglicismes). » 

Lionel Meney, "Le Naufrage du français, le triomphe de l’anglais, Enquête", Québec, Presses de l’Université Laval, 2024, p. 3.

 Mots-clés: New French, définition. 



[1] Hybridation : croisement entre deux langues.

La Loi d'utilité des langues : Définition

 Loi définie par Lionel Meney dans un ouvrage intitulé Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais, Enquête, Québec, Presses de l’Université Laval, 2024, p. 219. 

« Toute idéologie mise à part, il est une loi objective sur le marché des langues. Je l’appelle la “loi d’utilité des langues” et la formule de la manière suivante : “Plus une langue permet de communiquer avec plus de locuteurs dans plus de situations, plus cette langue est utile et plus il y a de chances qu’on l’utilise et qu’elle se répande.” Inversement, une langue qui permet de communiquer avec moins de personnes dans moins de situations a moins de chances de se développer et plus de risques de s’étioler et, finalement, d’être abandonnée. »

Mots-clés : linguistique, loi linguistique, loi d’utilité des langues.

Semaine de la francophonie : Avons-nous vraiment de quoi fêter?

Chaque année en mars, nous sommes censés fêter la Francophonie. Les médias, reprenant les chiffres de l’Organisation internationale de la Francophonie[1], publient des articles triomphalistes. Nous sommes 321 millions de francophones. À l’horizon 2065, on en comptera 767 millions. L’OIF représente 88 pays, 16% de la richesse mondiale. Le français est avec l’anglais la seule langue parlée et enseignée sur tous les continents, la deuxième langue apprise dans le monde... Chiffres faramineux, plus proches de la technique Potemkine que de la réalité, comme je le montre dans un livre[2].

Double concurrence de l’anglais

Derrière la façade, on découvre une langue française subissant les assauts de l’anglais, autant dans son lexique et sa grammaire que dans son utilisation. La langue d’Elon Musk pénètre de plus en plus notre grammaire et notre lexique. Elle y importe des milliers de mots, de sigles et d’acronymes anglo-saxons, modifie le sens de mots français, introduit des préfixes, des suffixes et des calques dans la grammaire, des images dans la phraséologie.

Si nous sommes sensibles aux emprunts de mots à la forme anglo-saxonne (booster, liker, tweeter...), nous le sommes moins aux emprunts de sens et de phraséologie. Les mots anglais agacent, irritent, insécurisent. Les emprunts de sens et d’images passent inaperçus. Pourtant, ils sont la conséquence du même phénomène : la pression de l’anglais sur le français.

La véritable menace

Il y a plus grave. L’importation d’anglicismes ne signifie pas forcément la mort annoncée de notre langue. L’anglais a emprunté beaucoup plus de mots français que le français ne l’a fait de mots anglais. Cela ne l’a pas empêché de se répandre sur toute la planète. La véritable menace pour notre langue réside dans sa perte d’utilité. Depuis quelques décennies, on ne compte plus les territoires perdus la langue française.

Cela se voit dans le visage de nos villes. Regardez le nom des commerces, le nombre de leurs enseignes en anglais, les affichages publicitaires, souvent uniquement en anglais, les publicités télévisées. Écoutez les chansons diffusées dans les commerces... L’anglais est partout. C’est comme si nos compatriotes n’avaient plus le désir de nommer en français les choses de la modernité. Dans leurs cerveaux, l’anglais occupe le rôle de « langue de superstrat », supplantant le français quand il s’agit de nommer toutes choses nouvelles - concepts, produits et services.

Les territoires perdus de la langue française

Certes, il n’y a jamais eu autant de francophones dans le monde, mais le français n’a jamais été aussi menacé. La force d’une langue se mesure non pas à la « pureté » de son vocabulaire, mais à l’aune de son utilité, et les territoires perdus du français sont nombreux, et dans des domaines cruciaux.

La diplomatie d’abord. Depuis le traité de Versailles, le français n’a cessé de perdre du terrain. Il a beau être langue officielle dans plusieurs organismes internationaux, il ne représente que 2 % des textes rédigés à l’ONU, 2 % de ceux rédigés au Secrétariat du Conseil de l’Union européenne. Il est menacé en Afrique par la concurrence des langues nationales et de l’anglais. Le Rwanda et le Burundi sont passés à l’anglais. Les putschs au Mali, au Burkina Faso et au Niger sont le signe avant-coureur d’un abandon de notre langue par ces pays. Or, si la Francophonie a un avenir, ce n’est pas dans nos sociétés vieillissantes, mais en Afrique.

Les sciences et les techniques ensuite. Dans ces domaines aussi le français a décroché. Au XIXe siècle, il faisait partie, avec l’anglais et l’allemand, des trois grandes langues scientifiques. Aujourd’hui, il ne représente plus qu’un infime pourcentage des publications. L’anglais en truste plus de 90 %. Pasteur, de nos jours, rédigerait ses papers et ferait ses prez en anglais. Sinon, il serait tout simplement hors course.

Le choc des législations

Le choc des législations aussi favorise l’expansion de l’anglais au détriment du français au niveau européen. Les lois et directives européennes s’opposent à celles que la France a adoptées (sans les faire respecter vraiment). Malgré les discours sur l’égalité des 24 langues officielles, le multilinguisme des institutions et le plurilinguisme des individus, l’anglais est devenu de facto la langue de l’UE. Il est choisi par la plupart des jeunes Européens comme première langue seconde ; le français est en concurrence défavorable avec l’allemand et l’espagnol dans le choix d’une troisième langue.

Sursaut nécessaire

Faut-il baisser les bras pour autant ? Certainement pas. Le français est un élément trop important de notre identité pour qu’on le laisse aller à vau l’eau, jusqu’au naufrage... La campagne des élections européennes devrait être l’occasion de débattre de la place des langues en France et dans l’UE, de prôner un véritable aménagement linguistique inspiré des modèles canadien et québécois. Vœu pieux ? Peut-être bien, quand on considère tous les autres défis auxquels sont confrontées notre « vieux pays ».

Mots-clés : semaine de la Francophonie, concurrence anglais-français, véritable menace, anglicisme, perte d’influence, territoires perdus de la langue française, choc des législations linguistiques françaises et européennes.



[1] La langue française dans le monde (2019-2022), site web de l’OIF.

[2] Lionel Meney, Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais. Enquête, Québec, Presses de l’Université Laval, 2024.

Lionel Meney, Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais : Présentation.

Un titre provocateur pour un objectif défini

Ce livre, je l’ai intitulé Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais. Enquête. Un titre provocateur, qui répond à mon intention première, lorsque je me suis mis à l’écriture de cet ouvrage : pousser un cri d’alarme, sensibiliser le public aux menaces qui pèsent sur notre langue.

Trois points de vue

J’ai adopté 3 points de vue pour décrire l’état de notre langue (la pénétration de l’anglais dans le français) et sa situation (son utilisation comme moyen de communication) : 1) l’omniprésence de l’anglais dans l’environnement visuel et auditif des villes en France (Partie I : La partie visible de l’iceberg), 2) la concurrence de l’anglais dans le corpus (lexique et grammaire) du français (Partie II), 3) la concurrence de l’anglais dans le statut du français (son utilisation) (Partie III).

La concurrence sur le terrain et sur la Toile (Partie I : la partie visible de l’iceberg)

En France, 1) l’anglais est partout dans l’environnement visuel et auditif ; 2) les Français y ont systématiquement recours pour nommer leurs sociétés, leurs commerces, leurs produits, leurs services, leurs événements (grandes entreprises, p. 7-35, et petits commerces, p. 37-43) ; dans la tête des gens, l’anglais est la langue de superstrat; 3) même l’État, les administrations, les collectivités locales, les établissements d’enseignement sont touchés (p. 45-56) ; 3) Il ne semble pas y avoir de volonté d’abandonner cette pratique.

Descente dans les profondeurs du phénomène (Parties II et III)

La partie visible de l’iceberg n’est que le symptôme de quelque chose de plus grave. Si l’on descend dans les profondeurs, on découvre deux phénomènes plus inquiétants. L’anglais exerce une double pression sur le français : une pression non seulement sur le corpus de la langue, sur son état (l’invasion des anglicismes), mais aussi sur son statut, sur sa situation (sa perte d’influence dans le monde, mais aussi dans les sociétés francophones).

La concurrence de l’anglais dans le corpus du français (Partie II)

Cette pression sur le corpus se manifeste non seulement par l’importation de très nombreux mots anglais, (emprunts de mots, p. 59-85), mais aussi de très nombreux sens anglais (emprunts de sens, p 87-106). En général, on est très sensibilisé aux importations de mots anglais, qu’on essaie de combattre en créant des équivalents français, mais on l’est moins aux importations de sens anglais, plus difficilement détectables, les premiers ayant un « faciès » anglo-saxons, qui les « trahit » aisément, ce qui n’est pas le cas des mots « bien français ». Pourtant il s’agit du même phénomène de pression et de pénétration de l’anglais.

De plus, si l’on est sensibilisés aux interférences de l’anglais dans le domaine du lexique, on l’est moins dans celui de la grammaire (emprunts morphologiques, p. 106-128, et syntaxiques, p. 129-151). Pourtant ces interférences sont nombreuses et témoignent aussi de la pression exercée par l’anglais même sur la partie la plus stable de la langue.

Dans le chapitre consacré à la concurrence à l’œuvre dans le corpus du français (p. 153-176), je montre à quel point le tableau est contrasté entre des mots français, qui ont cédé la place à des mots anglais, et des mots français, qui ont supplanté des mots anglais. Il y a là un espoir, à condition de savoir former de bons néologismes.

Cette pénétration de l’anglais dans le système de la langue, son lexique et sa grammaire, a de quoi nous inquiéter. Cela nous agace, nous irrite, voire nous insécurise. On y voit une menace pour l’existence même de notre langue. Mais ce n’est pas le plus grave. Après tout, l’anglais, langue germanique, n’a conservé que 25% de mots germaniques et emprunté 28% de mots latins et 28% de mots français. Cela ne l’a pas empêché de connaître la fortune que l’on sait à l’époque moderne et contemporaine. A l’heure actuelle, le français général doit avoir importé (seulement) entre 10% et 12% de mots anglais.

Mais, de même que l’anglais est une langue hybride germano-romane, de même le français est engagé dans un processus d’hybridation romano-germanique. C’est pourquoi j’ai créé cette notion de New French pour désigner cette néo-langue naissante. En 1964, Étiemble avait popularisé le terme franglais. Soixante ans plus tard, l’anglicisation de notre langue a fait des progrès considérables, d’où ce choix, un peu provocateur, et dans l’air du temps, de New French.

Mais ce qu’il faut retenir, c’est que le développement d’une langue ne dépend pas de sa plus ou moins grande « pureté », mais des plus ou moins grandes possibilités de communication qu’elle offre, peu importe le matériau dont elle est faite. Or, dans ce domaine, on observe une érosion inquiétante des services offerts par notre langue.

La concurrence de l’anglais dans le domaine du statut du français (Partie III)

Nous vivons dans une sorte de quiétude, renforcée par les renseignements fournis par certaines organisations, dont l’Organisation internationale de le Francophonie (OIF). J’ai procédé à une analyse critique de ses chiffres, qui donnent une représentation fausse de la réalité.

Combien sommes-nous de francophones dans le monde ?

Nous serions 321 millions, selon l’OIF. J’ai étudié (p. 179-192) ses sources, ses définitions et ses méthodes de calcul pour montrer qu’elles ne sont pas crédibles. Si l’on comptabilise les francophones de l’hémisphère nord (France, Belgique, Suisse, Canada francophone), les seuls où le français est nécessaire dans la vie de tous les jours, les seuls qu’on peut comptabiliser sans trop d’incertitude, on obtient au maximum 84 millions de personnes. Il resterait à donc trouver 321 – 84 = 237 millions de francophones dans les autres parties du monde. Où ? En Afrique ?

L’Afrique francophone parle-t-elle français ?

L’avenir du français ne se joue pas en France, à Paris, ou au Canada, à Montréal. Il se joue en Afrique. Or, la description de la situation du français en Afrique faite par l’OIF est également trompeuse. En réalité, le français n’y est la langue usuelle que d’une très faible minorité. Il est menacé par la montée en puissance des langues nationales et de l’anglais, et par la multiplication des actions anti-françaises (putschs, etc.) (p. 190-192). La Francophonie africaine pourrait s’effondrer comme un château de cartes.

Les territoires perdus de la langue française[1] (1) (p. 193-204)

Le français dans les institutions internationales

Malgré son statut enviable de langue officielle dans nombre d’institutions internationales mondiales (ONU) ou européennes (UE), en réalité le français a très peu d’influence comparé à celle de l’anglais. À l’ONU, à New York, 84,86% des textes sont en anglais, 2,44% en français. De nombreux pays membres de l’OIF interviennent aux AG dans d’autres langues officielles que le français. Au Secrétariat général du conseil (SGC) européen, 92,46 % des textes sont rédigés en anglais, 2,07% en français. Au Parlement européen, 72,2% des textes sont rédigés en anglais, 11,9% en français. Certes, le français est bien la deuxième langue après l’anglais, mais loin, très loin derrière...

Les territoires perdus de la langue française (2) (p. 204-220).

Internet : Selon l’OIF, le français serait la quatrième langue sur Internet. Vérification faite le score du français y est moins glorieux (p. 205-206).

Le français, langue d’enseignement (p. 206-212) : En Europe et dans le monde, l’enseignement du français, langue seconde est en déclin, concurrencé par celui de l’anglais bien sûr, mais aussi de l’allemand et de l’espagnol.

Langue des publications scientifiques (p. 213-216) : au XIXe siècle, le français faisait partie, avec l’anglais et l’allemand, des trois grandes langues de la science. De nos jours, la part du français dans les publications scientifiques s’est effondrée. Alors que celle des publications en anglais dépasse les 90%, celle du français ne dépasse pas le 1%, sauf en sciences sociales et humaines où elle atteint 7%.

Le choc des législations[2] française et européenne (p. 221-234)

Dans le domaine des langues, deux facteurs interviennent : l’économie, qui favorise ou défavorise le développement d’une langue, et le droit, qui permet de contrer peu ou prou la puissance de l’économie.

Malheureusement, le droit en Europe joue contre le français (et toutes les autres langues, à part l’anglais). La philosophie libérale aux fondements de la construction européenne (libre circulation des biens et des personnes) interdit toute politique de protectionnisme linguistique. Le choc entre les philosophies et les législations est illustré par la loi Toubon (1994) d’un côté, le chapitre II du traité de Rome (1957) et des directives européennes subséquentes, d’un autre. La loi Toubon a été vidée d’une partie importante de son contenu. Par ailleurs, son application n’est pas vraiment surveillée. Ce qui explique, entre autres, les phénomènes de la partie visible de l’iceberg décrits dans la première partie du livre.

À titre d’exemple, je fais une étude comparée des informations fournies sur un tube dentifrice Colgate en France et au Québec (p. 230-231). Conclusion : les Québécois sont mieux servis que les Français dans ce cas-là.

Conclusions (p. 234-256)

Dans la conclusion, je reviens sur deux grandes lois dans le domaine des langues :

Loi du moindre effort ou Loi générale d’économie d’énergie : « La loi du moindre effort postule que les individus sont attirés par les options qui nécessitent le moins d'effort, qu'il soit mental, physique ou émotionnel. » Cette loi explique en partie le recours à des anglicismes.

Loi de l’utilité des langue : « Plus une langue permet de communiquer avec plus de locuteurs dans plus de situations de communication plus cette langue est utile et plus elle a de chances de se développer. » (LM). Cette loi explique la perte de compétitivité du français.

Je propose une quinzaine de mesures à prendre pour, sinon arrêter le processus d’anglicisation, du moins le freiner (p. 254-256). Ces propositions concernent surtout la France, l’Europe et l’Afrique. Le Québec pourra apporter son expertise et participer aux efforts de recherche. Mon plan s’articule autour des notions suivantes : sensibiliser, étudier, coopérer, légiférer, aménager. Sensibiliser par l’organisation d’États généraux de la langue ; étudier par le lancement de programmes d’études sociolinguistiques sur la concurrence de l’anglais dans les domaines du corpus et du statut du français ; coopérer en établissant une véritable défense de toutes les langues nationales en Europe ; légiférer en adoptant des lois nationales et des directives européennes définissant la place des langues en Europe ; aménager le paysage linguistique national et européen, aboutissement de toutes ces étapes.

Mots-clés : Lionel Meney, auteur, présentation, Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais. Enquête, concurrence anglais-français, visage franglais des rues en France, corpus de la langue, anglicismes, statut de la langue, perte d’influence, territoires perdus de la langue française, choc des législations linguistiques françaises et européennes.



[1] Allusion au livre intitulé Les Territoires perdus de la République, Paris, Éditions Mille et une nuits, 2002.

[2] Allusion au livre de Samuel P. Huntington, Le choc des civilisations, Paris, Odile Jacob, 2017.

23 avril 2024

Vient de paraître : Lionel Meney, Le naufrage du français, le triomphe de l'anglais. Enquête, Québec, Presses de l'Université Laval, 2024.

 

Parution le 24 avril au Canada. Un livre d'actualité.
 
 
On observe depuis plusieurs décennies la réduction progressive du territoire du français, sa perte d’influence comme langue de la diplomatie, des sciences, des techniques, du commerce...
Le but de ce livre est de lancer un cri d’alarme: le français va mal, très mal.
Et de décrire en détail l’état des lieux véritable, la double pression exercée par l’anglais sur notre langue, non seulement sur son corpus (son lexique et sa grammaire), mais aussi et surtout sur son statut (son utilisation comme langue de communication).
Et d'avancer une série de propositions afin de freiner ce déclin engagé.
 
Mots-clés: nouvelle parution, sociolinguistique, langue française, concurrence, langue anglaise, anglicisme, corpus, statut, perte d'influence, France, Europe, Afrique, aménagement linguistique.

22 avril 2024

Encore un anglicisme dû à une mauvaise traduction

L’ouverture de la deuxième semaine du procès de Donald Trump a été l’occasion pour les agences de presse, pas trop regardantes sur la qualité du français, de faire passer un nouvel anglicisme. Nouvel anglicisme que les médias se sont empressé de diffuser, sans vérification aucune...

En effet, voici un exemple de ce qu’on pouvait lire dans la presse française :

« Le procureur Matthew Colangelo a déclaré, à l’ouverture des débats dans le premier procès pénal de Donald Trump à New York, que ce dernier avait “orchestré un complot criminel” pour corrompre l'élection présidentielle de 2016. » (CNews, 22-04-2024).

Le sentiment linguistique est tout de suite averti que quelque chose ne va pas dans cette phrase. L’expression « complot criminel » ne correspond à aucune notion juridique en français. De plus, elle comprend un pléonasme, puisque dans tout complot, il y a l’intention de nuire.

Le texte original anglais disait ceci :

 « Donald Trump orchestrated a criminal conspiracy to “corrupt” the 2016 presidential election, prosecutors claimed, as opening statements were heard in the former president’s “hush money” case. Matthew Colangelo, prosecuting, said Mr Trump had falsified business records to conceal payments to Stormy Daniels, an adult film star, and cover up an affair with her. »

En anglais, « a conspiracy is an agreement between two or more persons to commit a criminal offence, each intending to achieve that criminal object. » (Criminal Conspiracy: Issues and Complexity, 2023 CanLIIDocs 930).

En français, « constitue une association de malfaiteurs tout groupement formé ou entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou plusieurs crimes ou d'un ou plusieurs délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. » (article 450-1 du Code pénal français).

Si l’on fait un minimum de recherche, soit dans un dictionnaire bilingue, soit dans un dictionnaire de droit, on trouve immédiatement l’équivalent dans le système français : a criminal conspiracy est une association de malfaiteurs.

 Criminal conspiracy : association de malfaiteurs (Le Robert & Collins, Grand dictionnaire français-anglais / anglais-français, Paris, 2016).

Conspiracy : association de malfaiteurs (Jean Baleyte et al., Dictionnaire économique et juridique, Paris, LGDJ, 1992).

Si l’on a la curiosité de vérifier quelle serait la traduction automatique de ce texte par Google Translate, on a la surprise de constater qu’elle ressemble point par point à ce que nous fournissent les agences de presse...

« Donald Trump orchestrated a criminal conspiracy to “corrupt” the 2016 presidential election. »

Traduction Google Translate : 

 

« Donald Trump a orchestré un complot criminel pour corrompre l’élection présidentielle de 2016. »

 

 Traduction proposée :

 

« Donald Trump a ourdi une association de malfaiteurs pour “truquer” l’élection présidentielle de 2016. »

 

Mots-clés : traduction, anglais-français, calque, criminal conspiracy, complot criminel, association de malfaiteurs.