26 août 2021

Doit-on dire « frapper un mur » ou « se heurter à un mur » ?

Le gouvernement du Québec a publié une vidéo intitulée : « N’attendez pas de frapper un mur. Faites-vous vacciner. » On y voit une jeune femme dans une boîte de nuit se dirigeant vers un jeune homme, quand soudain elle se heurte à un mur invisible, un mur de verre, qui l’empêche de le rejoindre. Le message est clair : les personnes non vaccinées se privent de vie sociale.

Dans cette vidéo, l'expression « frapper un mur » a été critiquée, particulièrement parce qu’elle est employée par un organisme gouvernemental, qui devrait être un « gardien de la langue ». On reproche à cette expression de ne pas être française, d’être un anglicisme masqué.  De fait, c’est une expression familière très courante au Québec.

Elle n’est un anglicisme qu’indirectement. En anglais « to hit a wall » signifie plutôt « atteindre ses dernières limites ». On le dira, par exemple, d’un athlète qui a atteint le maximum de ce qu’il peut faire. Mais c’est probablement un anglicisme de sens dans la mesure où le verbe « frapper » en français québécois est fortement influencé par le verbe « to hit » anglais.

Ainsi la phrase « L’automobiliste a frappé un piéton » se comprend différemment en français québécois et en français standard international. Dans le premier cas, l’automobiliste a heurté un piéton; dans le second, il lui a donné un coup  de poing ou une claque. C’est assez différent !

Sous l'influence de « to hit », le verbe « frapper » en français québécois couvre les sens de frapper et de heurter en français standard international.

En français standard, le verbe « frapper », employé avec un sujet animé, signifie « donner un coup » (« L’automobiliste a frappé un piéton » : il lui a donné un coup) ; employé avec un sujet inanimé, il signifie « toucher, atteindre » (« La balle a frappé le poteau » : elle l'a touché). Le verbe « heurter » signifie  « entrer en contact (accidentellement, rudement, etc.) avec quelqu’un ou quelque chose » («  L’automobiliste a heurté un piéton, un mur »).

Le mot « mur » a donné lieu en français standard à plusieurs expressions figées : « aller (droit) dans le mur » (aller à un échec certain) ; « se heurter à un mur » (se heurter à un obstacle infranchissable, à un refus total) ; « se cogner la tête contre les murs » (fournir de gros efforts inutilement), etc.

Dans la publicité québécoise, la jeune femme ne « frappe pas un mur », elle « se heurte à un mur », ce qui l'empêche de rejoindre le jeune homme. La seconde formulation est linguistiquement plus correcte mais, en contexte québécois, la première est expressivement bien plus forte…

Mots-clés : français québécois ; anglicisme de sens ; phraséologie ; frapper un mur ; to hit a wall ; se heurter à un mur ; se cogner à un mur.