31 décembre 2013

Doit-on dire récipiendaire ou lauréat ?

Dans la presse francophone canadienne (PFC), on observe un emploi beaucoup plus fréquent du mot récipiendaire en comparaison de la presse francophone européenne (PFE). Si l'on compare les fréquences relatives des mots récipiendaire et lauréat, on constate que, dans la PFC, lauréat est employé dans 70 % des cas et récipiendaire dans 30 %, alors que dans la PFE, lauréat l'est dans 88 % des cas et récipiendaire dans seulement 12 %.

La raison de cette différence notable de fréquence : un emploi souvent impropre de récipiendaire dans la PFC. On confond souvent le mot récipiendaire avec le mot lauréat. Pourtant la différence est assez facile à faire.

Un récipiendaire est une personne qui reçoit un diplôme, ou qui vient d'être admise dans une société, et en l'honneur de qui a lieu la cérémonie de réception. Le mot vient du latin recipiendus qui signifie « qui doit être reçu ». Dans récipiendaire, il y a l'idée de recevoir. On dit : remettre un diplôme, une médaille, etc. au récipiendaire; le discours de remerciement du récipiendaire.

Récemment l'écrivain Dany Laferrière a été élu à l'Académie française. Le jour de sa réception à l'Académie, comme tout récipiendaire, il devra faire un discours. Ce sera le traditionnel discours du récipiendaire de l'Académie française.

Un lauréat est une personne qui a remporté un prix dans un concours. La notion de lauréat implique celle de gagner. On dit : dévoiler le nom du lauréat; le lauréat du prix Nobel de littérature.

Les noms des lauréats des prix Nobel sont connus dans le courant du mois d'octobre. Le 10 décembre, jour anniversaire de la mort d'Alfred Nobel, les récipiendaires reçoivent leur prix lors d'une cérémonie à Stockholm.

Il faut gagner (un concours, etc.), donc être lauréat, avant de recevoir (son prix, son diplôme, sa médaille, etc.), donc être récipiendaire.

Employer récipiendaire dans le sens de lauréat est une impropriété.

PS : Gérard Dagenais a déjà consacré à ce sujet une partie de sa chronique linguistique du Devoir en date du 14 septembre 1959 (Voir ses Réflexions sur nos façons d'écrire et de parler, p. 104-105). Décidément , plus ça change, plus c'est pareil...

Mots clés : français québécois; impropriété; récipiendaire; lauréat.

29 décembre 2013

Doit-on dire circulaire ou catalogue ? Pas de circulaire ou Pas de publicité ?

En français standard, le terme « circulaire », abréviation de « lettre circulaire », désigne une lettre (ou une note) adressée par un supérieur hiérarchique à plusieurs personnes à la fois. Il appartient au vocabulaire de l'administration publique : « circulaire ministérielle », « circulaire administrative ».

Dans le domaine commercial, on emploie le terme « prospectus » pour désigner une annonce publicitaire (simple feuille, dépliant ou brochure) destinée à faire connaître un ou plusieurs produits auprès de la clientèle.

Dans le cas des feuilles ou des brochures distribuées régulièrement dans les boîtes aux lettres pour informer la clientèle des produits, des prix et, éventuellement, des réductions de la semaine ou du mois, on utilise en français standard le terme « catalogue ». Dans ce cas, catalogue s'applique aussi bien à des prospectus composés de quelques feuilles qu'à de véritables livrets.

Si l'on ne veut pas recevoir ce genre de catalogue dans sa boîte aux lettres, on place une affichette « Pas de publicité ».

Le terme anglais « circular » a un sens plus large que le terme français « circulaire ». En effet il désigne « a printed advertisement, directive, or notice intended for mass distribution ». Utiliser le terme « circulaire » dans un contexte commercial est un anglicisme de sens.


Mots clés : français québécois, terminologie commerciale, anglicisme, circulaire, prospectus, catalogue.

25 décembre 2013

Doit-on dire ramasser, cueillir ou retirer ses achats ?

En cette période de Fêtes de fin d'année et d'achats de cadeaux, on entend souvent dans les magasins qu'on peut « ramasser ses achats » avant de partir et l'on vous indique l'endroit où se fait le « ramassage ». Pire encore, on entend ou on lit fréquemment « cueillir des achats ». Récemment, Ikea a même ouvert à Québec un « centre de cueillette », première étape avant l'ouverture d'un véritable magasin.

http://www.ikea.com/ms/fr_CA/pickup_and_order_points/quebeccity_index.html 

Ces emplois sont-ils corrects ? Absolument pas. Alors pourquoi?

RETIRER EN MAGASIN
« Ramasser » et « ramassage » sont (peut-être) moins choquants pour une oreille ou un œil de francophone que « cueillir » et « cueillette » (voir mon billet du 5 mai 2012), mais ces termes n'en sont pas moins impropres.

En effet que signifie « ramasser » en français standard ? Au moins trois choses : 1) réunir ce qui est dispersé (ramasser des débris, du foin); 2) prendre en divers endroits pour réunir (ramasser les cartes, les copies d'élèves, les ordures, de l'argent); 3) prendre par terre des choses éparses (ramasser du bois, des champignons, des feuilles mortes).

On note très clairement dans ces trois acceptions l'idée de réunir des choses éparses, ce qui ne convient pas dans le cas qui nous intéresse pour la bonne raison qu'on peut n'avoir acheté qu'une seule marchandise. Il s'agit donc d'une impropriété.

Quant à « cueillir », rappelons qu'en français on peut cueillir des fleurs, des fruits, des champignons, mais pas des téléviseurs, des meubles et autres objets. Il s'agit d'un calque de l'anglais to pick up (to collect an object, especially in passing).

Avons-nous le choix entre une impropriété (ramasser, ramassage) ou un anglicisme de sens (cueillir, cueillette) ? Certainement, puisque l'usage dans les pays francophones a retenu les termes « retirer » (les marchandises, les achats, de l'argent (à un distributeur des billets)) et « retrait » (des marchandises, des achats, un retrait d'argent).

RETRAIT DES MARCHANDISES

Espérons que d'ici les prochaines Fêtes de fin d'année, des panneaux « retrait des marchandises » fleuriront dans tous nos magasins… Et que la société Ikea aura changé son « centre de cueillette » pour un « point de retrait » comme elle intitule ces magasins en Europe francophone.

Mots clés : français québécois; terminologie; anglicisme; impropriété; cueillir; cueillette; centre de cueillette; ramasser; ramassage, Ikea.