A la suite de la décision du CRTC, organisme canadien de supervision et de contrôle de la radiodiffusion et des télécommunications, de condamner la simple citation à l’antenne du titre de l'essai de Pierre Vallières intitulé « Nègres blancs d'Amérique » (1968), l'expression "mot en n" se relève couramment dans les médias francophones du Canada.
C'est un calque de l'américain N-Word, euphémisme utilisé pour éviter d'employer le mot très péjoratif nigger. Indépendamment du fait que les connotations des mots nigger et nègre dans les mondes anglophone et francophone ne sont pas les mêmes, il s’agit clairement d’une décision arbitraire, qui relève de la censure. Citer le titre d’un ouvrage ne signifie pas reprendre à son compte le sens controversé d’un des mots qu’il comprend. Faudra-t-il alors censurer le terme « négritude » créé par Aimé Césaire et repris par Léopold Senghor entre autres dans « Ce que je crois : Négritude, francité, et civilisation de l’universel » (Grasset, 1988) ? Devra-t-on exiger de Dany Laferrière qu’il change le titre de son roman « Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer » (1985) ? Faudra-t-il réécrire, même après la mort de leur auteur, les titres d’ouvrages blessant la « sensibilité » de certains ? Un individu à la sensibilité exacerbée a-t-il plus de poids que l’ensemble des contribuables canadiens, qui paient avec leurs impôts pour avoir droit à une information sans tabous ?
Pour revenir à la traduction française de N-Word, la
forme idiomatique, correcte, est plutôt le « mot commençant par n ». Si
vous êtes amateur de Scrabble, vous avez certainement déjà cherché sur Internet
les « mots commençant par » ou les « mots finissant par »… En
l’employant, on reste encore dans l’euphémisme… Pourquoi cette pruderie linguistique? Appelons un chat un chat. Le N-Word des Américains est le mot nigger. En écrivant cela, je ne me sens absolument pas raciste.
Mots-clés : politiquement correct, censure, Canada, CRTC,
Pierre Vallières, Nègres blancs d’Amérique, euphémisme, N-Word, calque, mot en
n, mot commençant par n, le mot nigger.
À l'écrit, la façon française de présenter la chose est: n***. En français, «mot en n» signifie: mot se terminant par un n. Quand nous apprenions le grec, les verbes en -mi avaient la désinence -mi. Toute cette question de wokisme, d'appropriation culturelle, etc., est un symptôme d'acculturation dont les premières victimes en même temps que les propagateurs sont dans le monde universitaire et les médias.
RépondreSupprimerL'avantage de cette histoire, c'est qu'elle fait voir la fracture entre le réseau français et le réseau anglais de Radio-Canada; elle contribue même à l'accentuer. La directrice de CBC a même congédié une journaliste d'expérience parce qu'elle avait prononcé le titre du livre de Pierre Vallières dans une réunion de production.
J'ai écrit naguère un billet sur l'évolution de la perception du mot n*** en anglais et en français: http://linguistiquement-correct.blogspot.com/2014/10/levolution-dun-tabou-linguistique.html
Et que dites-vous des surmulots parisiens, devenus des auxiliaires de gestion des déchets?
JM