Le Grand Dictionnaire terminologique s’ingénie à légitimer toute une
série de calques de l’anglais, série aussi productive qu’inutile. Je veux parler des
termes formés sur le modèle de « concert-bénéfice » (voir la fiche du
GDT, rédigée en 2003), « dîner-bénéfice » (2005), « représentation-bénéfice »
(2005), « soirée-bénéfice »(1986), « spectacle-bénéfice »(2005),
etc.
Il s’agit manifestement
d’un calque de l’anglais du type « benefit concert », « benefit
dinner », « benefit performance », etc. C’est pourquoi les terminologues de l’OQLF font des acrobaties pour justifier la défense et le
maintien de cette forme (voir la fiche « bénéfice », 1986).
Dans un premier temps,
ils invoquent l’existence, en français, de l’expression « à bénéfice » :
« Dans le
domaine du spectacle, on désigne par l'expression à bénéfice une
représentation dont les profits sont versés à une personne ou à une œuvre ».
En réalité, cette expression, courante au dix-neuvième siècle, ne s’emploie
plus guère. Elle s’employait à une époque où il n’y avait pas de pension de
retraite pour les artistes du théâtre et de l’opéra, pour désigner la représentation
donnée à leur profit avant leur départ à la retraite. A cette occasion, le
bénéfice de la soirée leur était versé. (Voir le récit cruel et désabusé d’Auguste Luchet, Une représentation à bénéfice, datant de 1832). De nos jours, on dit encore parfois
« représentation au bénéfice de », mais beaucoup plus souvent « représentation
au profit de ».
Dans un deuxième temps, les terminologues de l’OQLF recommandent la suppression de la préposition à dans le syntagme (ce qui ne se faisait pas quand on employait « représentation à bénéfice »). Cela a l’avantage de donner l’impression que le terme « représentation-bénéfice » dérive du français « représentation à bénéfice », alors qu’en réalité, il provient de l’anglais « benefit performance ». Selon ces terminologues, on dirait « soirée-bénéfice » parce qu’on sous-entendrait « soirée au bénéfice de ». Or, curieusement, dans la presse francophone canadienne, on ne voit guère « soirée au bénéfice de », pas plus qu’on ne voit « soirée au profit de ». On voit plutôt « soirée-bénéfice au profit de », ce qui est assez redondant, pour ne pas dire assez incongru…
Dans un troisième temps, ils avancent (prudemment, à vrai dire…) qu’il « semble possible d'étendre cet usage à toute manifestation organisée au profit d'une œuvre, d'un parti politique, etc. » Ce qui permet de justifier toute la série de calques.
Voilà comment, par glissements successifs, on parvient à donner des lettres de noblesse à ce qui n’est qu’un calque de l’anglais…
Dans un deuxième temps, les terminologues de l’OQLF recommandent la suppression de la préposition à dans le syntagme (ce qui ne se faisait pas quand on employait « représentation à bénéfice »). Cela a l’avantage de donner l’impression que le terme « représentation-bénéfice » dérive du français « représentation à bénéfice », alors qu’en réalité, il provient de l’anglais « benefit performance ». Selon ces terminologues, on dirait « soirée-bénéfice » parce qu’on sous-entendrait « soirée au bénéfice de ». Or, curieusement, dans la presse francophone canadienne, on ne voit guère « soirée au bénéfice de », pas plus qu’on ne voit « soirée au profit de ». On voit plutôt « soirée-bénéfice au profit de », ce qui est assez redondant, pour ne pas dire assez incongru…
Dans un troisième temps, ils avancent (prudemment, à vrai dire…) qu’il « semble possible d'étendre cet usage à toute manifestation organisée au profit d'une œuvre, d'un parti politique, etc. » Ce qui permet de justifier toute la série de calques.
Voilà comment, par glissements successifs, on parvient à donner des lettres de noblesse à ce qui n’est qu’un calque de l’anglais…
Plus grave encore,
les fiches du GDT ne mentionnent même pas l’existence, en français standard, de
plusieurs termes consacrés équivalents. Ce qui montre que la recherche
terminologique a été déficiente ou bien qu’on ne voulait pas désigner un concurrent
exogène au terme local, à moins qu’il ne s’agisse des deux à la fois.
Or, en français
standard, pour désigner ce concept, il existe au moins trois possibilités :
« concert, spectacle, etc. de charité », « concert, spectacle,
etc. de bienfaisance » et « concert, spectacle, etc. caritatif ».
Dans la presse francophone européenne, les combinaisons les plus fréquentes sont, pour soirée, « soirée caritative » (emploi le plus fréquent, et de loin), « soirée
de bienfaisance » et « soirée de charité » ; pour concert, « concert
caritatif » (emploi le plus fréquent, et de loin), « concert de
bienfaisance » et « concert de charité » ; pour match, « match de
bienfaisance » (emploi le plus fréquent, et de loin), « match de
charité » et « match caritatif » ;
pour gala, « gala de charité », « gala de bienfaisance » et « gala
caritatif » (beaucoup moins fréquent). On trouve de nombreuses autres
combinaisons comme « événement, spectacle, tournoi, dîner, repas, bal, défilé de mode, loto, rallye, etc. caritatif ».
Plusieurs de ces syntagmes se retrouvent aussi dans la presse canadienne
francophone. (Voir ce titre d'article dans Le Devoir du 2 avril 2012).
Il serait donc bon
que le GDT rende compte de ces faits.
Enfin, cerise sur le gâteau, le GDT nous réserve, au détour d’une définition, un de ces petits anglicismes sémantiques dont il a le secret. En effet, à la fiche « concert-bénéfice » (2003), on peut lire : « Concert donné dans le but d'amasser des fonds pour soutenir une œuvre de charité, une association, une cause, etc. ». Influencés par l’anglais, certains terminologues de l’OQLF ne sentent pas la différence qu’il y a entre simplement recueillir ou récolter des fonds, et en amasser…
Petit retour en arrière : Mes remarques précédentes sur certaines fiches du GDT n’ont pas été complètement inutiles.
Enfin, cerise sur le gâteau, le GDT nous réserve, au détour d’une définition, un de ces petits anglicismes sémantiques dont il a le secret. En effet, à la fiche « concert-bénéfice » (2003), on peut lire : « Concert donné dans le but d'amasser des fonds pour soutenir une œuvre de charité, une association, une cause, etc. ». Influencés par l’anglais, certains terminologues de l’OQLF ne sentent pas la différence qu’il y a entre simplement recueillir ou récolter des fonds, et en amasser…
Petit retour en arrière : Mes remarques précédentes sur certaines fiches du GDT n’ont pas été complètement inutiles.
Le terme « vélo
stationnaire » a été relégué dans le champ des termes à éviter. L’illustration,
dont la légende contenait le calque « courtoisie de », a été purement
et simplement supprimée. Autre calque, l’expression « à toutes fins
pratiques » a disparu de la fiche « ligue d’entreprise ».
Cependant tout est loin
d’être parfait. Le terme « vélo d’intérieur », qui a remplacé
« vélo stationnaire », a une diffusion limitée. Le terme « ligue
d’entreprise » est un calque de l’anglais. Dans les fiches
« intimidation » et « cyberintimidation », il n’est pas
fait mention des termes « harcèlement » et
« cyberharcèlement », pourtant plus justes, et d’un emploi universel
dans la Francophonie, en dehors du Québec. En revanche, on y cite le néologisme
« caïdage », dont la diffusion est très réduite, pour ne pas dire
quasi nulle…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire