L'expression « surplus budgétaire » est un calque de l'anglais « budget surplus ». En français, pour désigner ce concept, on dit « excédent budgétaire ». Selon les dictionnaires, un excédent désigne en finance ce qui est en plus de la quantité fixée, c'est-à-dire un solde positif (d'où : excédent budgétaire); un surplus désigne en économie l'excédent de l'offre par rapport à la demande (par exemple : surplus agricoles).
26 octobre 2016
24 mars 2016
Êtes-vous Bisounours ou Câlinours ? Diglossie et circulation des mots sur le marché linguistique québécois.
La récente visite
de Marine Le Pen au Québec a mis en lumière un cas de diglossie québéco-française.
Durant son séjour, la chef du parti français d'extrême droite, rompant avec les
usages diplomatiques, a accusé les dirigeants canadiens d'être des
« Bisounours » dans le domaine de l'immigration et de l'accueil des
migrants.
![]() |
Grosrêveur |
Dans le langage familier, un Bisounours désigne une personne naïve qui
vit dans le monde charmant, mais irréel des tout-petits. Le nom vient d'une
série d'ours en peluche populaire à partir des années 1980. En anglais, ils
s'appelaient « Care Bears ».
Lorsqu'il a fallu
leur donner un nom français, en France, on trouva « Bisounours »,
mot-valise formé sur bisou et nounours, deux mots aux sonorités douces et
évocatrices bien en rapport avec le monde des tout-petits.
Mais ce mot, bien choisi du fait de ses connotations, posait un petit
problème au Québec. En effet il évoque d'une manière trop évidente un autre
mot, inusité en Europe francophone, « bizoune », qui désigne dans le
langage familier et enfantin le pénis des petits garçons, autrement dit le
zizi…
http://www.aufeminin.com/enfant/identite-sexuelle-enfant-d23092c293327.html
Nom fâcheux pour
des peluches destinées aux petits enfants des deux sexes et autres… Alors on a
trouvé un autre nom, tout aussi doux et charmant, Câlinours, mot-valise formé
sur câlin et ours.
http://www.journaldequebec.com/2015/01/19/la-twittosphere-quebecoise-senflamme-pour-les-bizounes#livefyre
http://www.journaldequebec.com/2015/01/19/la-twittosphere-quebecoise-senflamme-pour-les-bizounes#livefyre
Cependant, malgré
ces différences connotatives, il semble bien qu'appliqué à des politiques trop
naïfs, le terme Bisounours va désormais s'employer également au Québec… À vrai
dire, des journalistes québécois comme Richard Martineau, Sophie Durocher ou
Christian Rioux l'avaient déjà employé avant la venue de Marine Le Pen. André
Arthur l'a réutilisé abondamment sur Radio X à Québec.
« Justin
Trudeau, grand chef de la tribu des Bisounours, s'apprête à vendre pour 15
milliards de dollars de blindés à l'Arabie saoudite. » (Richard Martineau,
Le Journal de Montréal, 6 février 2016).
« Si ce
silence est si tonitruant, c'est probablement parce que l'exemple soulève de
manière dramatique toute la question de l'intégration de l'islam. Question non
résolue quoi qu'on dise et quoi qu'en pensent les bisounours du
multiculturalisme. » (Christian Rioux, Le Devoir, 16 octobre
2015).
Il est possible
que, désormais, on offrira des Câlinours aux tout-petits et l'on traitera de
Bisounours les politiques trop naïfs.
Vive la
diglossie !
Mots-clés : langue
française, France, Québec, diglossie, Bisounours, Câlinours, bisoune, bizoune, zizi,
Marine Le Pen.
18 mars 2016
Quel(s) équivalent(s) français pour « fatbike » ?
Le « fat bike » ou « fatbike »
est devenu un sport très populaire en Amérique du Nord et en Europe. Ses
adeptes parlent couramment - et familièrement - du « fat ».
Quel(s) équivalent(s) français peut-on trouver
pour ce terme ?
Le Grand
Dictionnaire terminologique (GDT) de l'Office québécois de la langue
française a publié une fiche commune avec le Comité de terminologie de
Radio-Canada (2016). Il déconseille fat bike et fatbike au motif que ces mots « ne
s'intégre[raie]nt pas au système
linguistique du français, notamment sur le plan graphique et sur le plan
morphologique » [sic]. Tous les adeptes de fatbike, tous les chroniqueurs,
qui en parlent dans les journaux et magazines, seraient bien étonnés
d'apprendre que le nom de leur sport favori ne s'intègre pas dans leur discours
! Le français a la souplesse nécessaire pour intégrer encore pire mot que
fatbike… Même le russe, qui est une langue à déclinaisons et à alphabet
cyrillique, réussit à dire, à écrire et à décliner « фэт-байк » ! L'argument de la « non-intégration »
n'a aucun fondement linguistique sérieux.
Pour remplacer l'anglicisme, le GDT propose
« vélo à pneus surdimensionnés », sans se rendre compte que cette
dénomination est impropre et n'a aucune chance de s'imposer, étant de surcroît très
maladroite. En effet que nous dit le Petit
Robert au sujet de « surdimensionné » ? Si on ne le sait pas, il nous apprend que ce
mot signifie « dont les dimensions sont plus
grandes qu'il n'est nécessaire, trop importantes ». C'est un terme
négatif. Autrement dit, c'est exactement le contraire de l'objectif du fatbike.
Si ce vélo a des pneus plus gros que ceux des vélos ordinaires, plus gros même
que ceux des vélos tout-terrain (VTT), il n'a pas des pneus surdimensionnés, mais des pneus adaptés à sa destination, à savoir la capacité de rouler sur
la neige, sur le sable ou dans la boue.
Si effectivement le syntagme
critiquable « vélo aux pneus surdimensionnés » se rencontre parfois
dans la presse, c'est plus pour expliquer de quoi il s'agit que pour désigner ce nouveau type de vélo. On rencontre aussi des syntagmes plus simples - et plus justes
- comme « vélo à pneus larges », « vélo (à) grosses roues », « vélo (à) gros pneus »
et « vélo (à) gros boudins » (ce dernier terme relevant du
vocabulaire familier des amateurs de la petite reine).
En fait, un « grosses-roues »
ou un « gros-pneus » seraient les meilleurs équivalents. Mais, de toute
façon, il semble qu'il soit déjà trop tard pour qu'un terme français s'impose
face à l'emprunt à l'anglais… Cependant les termes proposés pourront servir de
variantes libres ou de variantes liées en fonction du contexte situationnel.
Mots-clés : langue française,
anglicisme, fatbike, vélo à pneus surdimensionnés, vélo à pneus larges, vélo à grosses roues, vélo à
gros pneus, vélo grosse pointure, vélo à gros boudins, grosses-roues,
gros-pneus, gros-boudins, Office québécois de la langue française, Comité de
terminologie de Radio-Canada, Grand Dictionnaire terminologique, surdimensionné,
impropriété.
16 mars 2016
« Fin de semaine » ou « week-end » ? Usito est encore à côté de la plaque.
Dans sa lettre d'information du 10 février 2016, Usito, sous le titre « Le week-end
français devient-il québécois ? », essaie de nous expliquer pourquoi
on dit « week-end » en France et « fin de semaine » au
Québec. Pour cela, il propose une explication alambiquée, qui passe à côté de
la question :
« Pour les Français, la semaine normale comptait plutôt le dimanche de
congé pour tous, le mercredi pour les enfants et le samedi après-midi pour
certains. Quand on regroupait deux ou trois jours pour partir à la campagne ou
ailleurs, on partait en week-end.
Les mœurs ont changé, le mot est resté. » (Infolettre Usito,
https://www.usito.com/nouvelles/#!/articles/2016-02-10_LeWeekEndFrançaisDevientIlQuébécois).
https://www.usito.com/nouvelles/#!/articles/2016-02-10_LeWeekEndFrançaisDevientIlQuébécois).
Visiblement Usito
n'a pas compris pourquoi « week-end » a été choisi plutôt que « fin de semaine », mettant en avant des raisons socio-culturelles, alors
qu'une explication strictement linguistique s'impose à l'évidence. Un peu
d'observation et de réflexion permet de le comprendre aisément.
Comme souvent, il s'appuie sur les dictionnaires grand
public français pour développer son explication. Cependant il ne semble pas
avoir remarqué un élément très important noté par ces mêmes dictionnaires. En
français de référence, le mot « semaine » a deux sens, un sens large
et un sens étroit. Au sens large, il désigne une période de 7 jours allant du lundi
au dimanche inclusivement. Au sens étroit, il désigne, par opposition au
dimanche, traditionnellement férié dans les sociétés de culture chrétienne (pas
seulement en France), la période couvrant les jours ouvrables, c'est-à-dire du
lundi au samedi inclusivement. Cette semaine au sens étroit, qui comprend les
jours ouvrables par opposition au jour férié, se subdivise en « début de
semaine » (lundi et mardi), « milieu de semaine » (mercredi et
jeudi) et « fin de semaine » (vendredi et samedi).
« Braderies
et bonnes affaires au programme de la fin de semaine. Ça commencera vendredi matin, avec la braderie de
fin d'hiver du Secours populaire. Puis, samedi matin, ce sera au tour des Amis
du Grand Toukou avec leur traditionnelle braderie de printemps […]. Braderie du
Secours populaire, vendredi et samedi, de 9 h 30 à 17 h 30. Braderie des Amis
du Grand Toukou, samedi, de 8 à 18 heures. » (Le Progrès de Lyon, 16 mars 2016).
« Londres, 14 mars 2016
(AFP) - La Bourse de Londres a terminé lundi en hausse de 0,57 %,
poursuivant sur l'élan impulsé en fin de semaine dernière par les mesures
d'assouplissement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). » [La Bourse de
Londres est ouverte tous les jours de la semaine, du lundi au vendredi].
Quand est apparue une nouvelle organisation du travail, venue
de Grande-Bretagne, la « semaine anglaise », il a bien fallu nommer
cette nouvelle partie de la semaine, partie fériée, couvrant le samedi et le
dimanche. Le syntagme « fin de
semaine » était déjà utilisé pour désigner la période de la semaine
couvrant le vendredi et le samedi. Il n'était donc pas possible de
l'utiliser dans un sens nouveau. Ce qui explique l'emprunt de « week-end »,
qui venait combler une lacune.
Usito se trompe donc
quand il affirme que « week-end concurrence inutilement fin de semaine ».
En français de référence, une « fin de semaine » (vendredi et samedi)
et un « week-end » (samedi et dimanche), ce n'est pas la même chose. Gérard
Dagenais, à la fin des années 1960, l'avait déjà signalé. Les deux termes ont
leur propre signification et permettent d'éviter une confusion gênante. Faites bien attention, si un ami vous
dit : « On se voit en fin de semaine ». Vous risquez de vous
tromper de jours… Pour un francophone non québécois, ce sera un vendredi ou un
samedi, pour un Québécois, un samedi ou un dimanche…
Maintenant si, pour désigner le samedi et le dimanche, les
Français utilisent pratiquement toujours « week-end » et pratiquement
jamais « fin de semaine », les Québécois, quant à eux, utilisent les
deux mots. Un sondage fait en mars 2016 dans une base de textes regroupant
pratiquement tous les journaux et magazines québécois (plus de 13 000 000 d'articles)
indique que les Québécois utilisent
« fin de semaine » (tous sens confondus) dans 53 % des cas et « week-end »,
dans 47 %. La concurrence (inutile?) est donc très serrée. Arrêtons
d'affirmer que les Français disent « week-end » et les Québécois, « fin
de semaine ». Il est plus juste de dire que les Français (et les autres
francophones) disent « week-end »; les Québécois, « fin de semaine »
ou « week-end », dans une proportion à peu près égale.
sens
|
1
|
2
|
3
|
4
|
5
|
6
|
7
|
semaine 1
(sens large)
|
lundi
|
mardi
|
mercredi
|
jeudi
|
vendredi
|
samedi
|
dimanche
|
semaine 2
(sens étroit)
|
lundi
|
mardi
|
mercredi
|
jeudi
|
vendredi
|
samedi
|
|
subdivision de semaine 2
|
début de semaine
|
milieu de semaine
|
fin de semaine
|
||||
semaine anglaise
|
lundi
|
mardi
|
mercredi
|
jeudi
|
vendredi
|
week-end
|
Tableau : La semaine et ses subdivisions.
Mots-clés : langue française, dictionnaire, France,
Québec, emprunt, anglicisme, fin de semaine, week-end, Usito.
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