Dans sa lettre d'information du 10 février 2016, Usito, sous le titre « Le week-end
français devient-il québécois ? », essaie de nous expliquer pourquoi
on dit « week-end » en France et « fin de semaine » au
Québec. Pour cela, il propose une explication alambiquée, qui passe à côté de
la question :
« Pour les Français, la semaine normale comptait plutôt le dimanche de
congé pour tous, le mercredi pour les enfants et le samedi après-midi pour
certains. Quand on regroupait deux ou trois jours pour partir à la campagne ou
ailleurs, on partait en week-end.
Les mœurs ont changé, le mot est resté. » (Infolettre Usito,
https://www.usito.com/nouvelles/#!/articles/2016-02-10_LeWeekEndFrançaisDevientIlQuébécois).
https://www.usito.com/nouvelles/#!/articles/2016-02-10_LeWeekEndFrançaisDevientIlQuébécois).
Visiblement Usito
n'a pas compris pourquoi « week-end » a été choisi plutôt que « fin de semaine », mettant en avant des raisons socio-culturelles, alors
qu'une explication strictement linguistique s'impose à l'évidence. Un peu
d'observation et de réflexion permet de le comprendre aisément.
Comme souvent, il s'appuie sur les dictionnaires grand
public français pour développer son explication. Cependant il ne semble pas
avoir remarqué un élément très important noté par ces mêmes dictionnaires. En
français de référence, le mot « semaine » a deux sens, un sens large
et un sens étroit. Au sens large, il désigne une période de 7 jours allant du lundi
au dimanche inclusivement. Au sens étroit, il désigne, par opposition au
dimanche, traditionnellement férié dans les sociétés de culture chrétienne (pas
seulement en France), la période couvrant les jours ouvrables, c'est-à-dire du
lundi au samedi inclusivement. Cette semaine au sens étroit, qui comprend les
jours ouvrables par opposition au jour férié, se subdivise en « début de
semaine » (lundi et mardi), « milieu de semaine » (mercredi et
jeudi) et « fin de semaine » (vendredi et samedi).
« Braderies
et bonnes affaires au programme de la fin de semaine. Ça commencera vendredi matin, avec la braderie de
fin d'hiver du Secours populaire. Puis, samedi matin, ce sera au tour des Amis
du Grand Toukou avec leur traditionnelle braderie de printemps […]. Braderie du
Secours populaire, vendredi et samedi, de 9 h 30 à 17 h 30. Braderie des Amis
du Grand Toukou, samedi, de 8 à 18 heures. » (Le Progrès de Lyon, 16 mars 2016).
« Londres, 14 mars 2016
(AFP) - La Bourse de Londres a terminé lundi en hausse de 0,57 %,
poursuivant sur l'élan impulsé en fin de semaine dernière par les mesures
d'assouplissement monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). » [La Bourse de
Londres est ouverte tous les jours de la semaine, du lundi au vendredi].
Quand est apparue une nouvelle organisation du travail, venue
de Grande-Bretagne, la « semaine anglaise », il a bien fallu nommer
cette nouvelle partie de la semaine, partie fériée, couvrant le samedi et le
dimanche. Le syntagme « fin de
semaine » était déjà utilisé pour désigner la période de la semaine
couvrant le vendredi et le samedi. Il n'était donc pas possible de
l'utiliser dans un sens nouveau. Ce qui explique l'emprunt de « week-end »,
qui venait combler une lacune.
Usito se trompe donc
quand il affirme que « week-end concurrence inutilement fin de semaine ».
En français de référence, une « fin de semaine » (vendredi et samedi)
et un « week-end » (samedi et dimanche), ce n'est pas la même chose. Gérard
Dagenais, à la fin des années 1960, l'avait déjà signalé. Les deux termes ont
leur propre signification et permettent d'éviter une confusion gênante. Faites bien attention, si un ami vous
dit : « On se voit en fin de semaine ». Vous risquez de vous
tromper de jours… Pour un francophone non québécois, ce sera un vendredi ou un
samedi, pour un Québécois, un samedi ou un dimanche…
Maintenant si, pour désigner le samedi et le dimanche, les
Français utilisent pratiquement toujours « week-end » et pratiquement
jamais « fin de semaine », les Québécois, quant à eux, utilisent les
deux mots. Un sondage fait en mars 2016 dans une base de textes regroupant
pratiquement tous les journaux et magazines québécois (plus de 13 000 000 d'articles)
indique que les Québécois utilisent
« fin de semaine » (tous sens confondus) dans 53 % des cas et « week-end »,
dans 47 %. La concurrence (inutile?) est donc très serrée. Arrêtons
d'affirmer que les Français disent « week-end » et les Québécois, « fin
de semaine ». Il est plus juste de dire que les Français (et les autres
francophones) disent « week-end »; les Québécois, « fin de semaine »
ou « week-end », dans une proportion à peu près égale.
sens
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1
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2
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3
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4
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5
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6
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7
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semaine 1
(sens large)
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lundi
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mardi
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mercredi
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jeudi
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vendredi
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samedi
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dimanche
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semaine 2
(sens étroit)
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lundi
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mardi
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mercredi
|
jeudi
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vendredi
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samedi
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subdivision de semaine 2
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début de semaine
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milieu de semaine
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fin de semaine
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semaine anglaise
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lundi
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mardi
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mercredi
|
jeudi
|
vendredi
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week-end
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Tableau : La semaine et ses subdivisions.
Mots-clés : langue française, dictionnaire, France,
Québec, emprunt, anglicisme, fin de semaine, week-end, Usito.
Merci pour ce très bon article. Comme souvent en sémantique tout est dans les détails ou nuances que l'étymologie nous permet d'éclairer.
RépondreSupprimerVous avez raison sur la forme, mais pas sur le fond. "On se retrouve en fin de semaine" n'est pas ma même chose que "On se retrouve fin de la semaine." C'est comme "Je touche en fin de mois", différent de "à la fin du mois."
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