Si l'on se fie à la
lettre d'information publiée en mars 2016 par Usito,
le mot raquetteur aurait deux sens : « le premier, panfrancophone,
désigne une personne qui se déplace sur la neige en raquettes; le second, propre
au Québec et absent des dictionnaires français, désigne un adepte de la raquette
en tant que sport d’hiver. »
Effectivement, si
l'on consulte le Nouveau Petit Robert et le Petit Larousse illustré,
on constate que, selon ces dictionnaires, le mot raquetteur désigne une «
personne qui se déplace sur la neige en (NPR) / avec des (PLI)
raquettes ». Le second sens est bien absent de ces dictionnaires
courants.
Mais la
consultation de dictionnaires courants est-elle suffisante pour qu'Usito puisse décréter qu'il existe un « sens propre au Québec », celui
qui désigne « un adepte de la raquette en tant que sport » ?
Absolument pas. Usito, et ce n'est pas le seul cas, a commis là une faute de
débutants. Comme si la langue française se limitait à ce qui est consigné dans
les dictionnaires courants !
Un simple petit
effort supplémentaire lui aurait permis d'éviter cette bévue. En effet, que
lit-on dans le Grand Robert de la langue française, plus développé que
le Nouveau Petit Robert ? On y lit ceci :
« Raquetteur : personne qui se déplace en raquettes, qui fait de
la raquette ». On voit que le sens d'« adepte de la
raquette » n'est pas totalement absent de tous les dictionnaires français.
Surtout, si l'on se
donne la peine de vérifier l'usage réel, et pas seulement de celui décrit
par les dictionnaires, si l'on se donne la peine, par exemple, d'aller sur
les sites français consacrés au sport de la raquette à neige (de nos jours, pas
besoin d'être un lexicographe professionnel, tout le monde peut le faire grâce
à Internet…), on constate du premier coup d'œil que cet emploi supposément
« propre au français québécois » est courant… en France.
En voici trois
exemples parmi une foule d'autres :
« Cependant,
la neige demande un effort physique accru, complique l’orientation, et rend
plus pointues les questions de sécurité, notamment face au risque d’avalanche.
Le raquetteur (ou raquettiste) doit donc être en bonne condition
physique, et s’attacher à acquérir les connaissances et les pratiques liées à
la sécurité. » (Club alpin français : https://www.clubalpin-idf.com/raquettes/).
« En
complément à la course et la randonnée, des ateliers organisés par la FFME,
s'adressent au "raquetteur" débutant ou confirmé. » (Fédération
française de la montagne et de l'escalade : http://www.ffme.fr/raquette-a-neige/article/juraquette-2011.html).
« Samedi.
Entre le haut du col de Vars et le refuge Napoléon, splash, splash, 9 raquetteurs
et, sissch, sissch, 9 skieurs s'élancent à l'assaut de la Tête de Paneyron 2787
m, 750 m de dénivelé, une paille, mais il est 13 h et le soleil tape
dur. » (Club alpin français - Aix-en-Provence : http://caf-aix-en-provence.ffcam.fr/index.php?&alias=carnets_de_route&moid=88&function=display&insidefile=pcCarnetDetail.html&tplentry=cr&oid=T032:4y9ahm8v9f1o).
Dernière
remarque : le terme raquettiste, absent des dictionnaires courants, est
beaucoup plus rare que raquetteur, mais il existe quand même…
Usito
devrait supprimer de son article raquetteur la marque topolectale QC (Québec),
car le sens ainsi marqué est courant non seulement au Québec, mais aussi
en France. Plus généralement, il devrait s'attacher à être plus rigoureux dans ses recherches plutôt que décerner cette marque à de faux québécismes. Usito est-il une source lexicographique fiable ? On voit
bien que non.
Mots-clés : langue
française, langue française au Québec, dictionnaire, Usito, québécisme, faux
québécisme, raquetteur.
Les dictionnaires français, aux entrées "petit-déjeuner" et "soixante-dix" ne prennent pas la peine d'identifier l'aire de ces régionalismes, me semble-t-il. L'Usito devrait travailler de la même façon, et il ne risquerait pas de se tromper.
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