19 octobre 2019

La « clause (du) grand-père » ou comment doit-on traduire « grandfather clause » ?


La traduction de l'expression anglaise grandfather clause pose un problème. Au Québec, depuis des lustres, on l'a traduite par clause grand-père. Cette expression, qui est un calque pur et simple de l'anglais et n'évoque rien pour un francophone, vient  de faire son apparition en France, aussi sous la forme clause (du) grand-père, à l'occasion du débat sur la réforme des retraites. En fait il existe deux équivalents français : clause d'antériorité et clause des droits acquis. ...






« Le haut-commissaire aux Retraites Jean-Paul Delevoye invité sur France 2 ne serait pas favorable à l'option consistant à appliquer la réforme des retraites en cours d'élaboration aux seuls nouveaux entrants, dite « clause grand-père ». Une option pourtant défendue par Emmanuel Macron pour tenter de calmer la grogne sociale. » (Le Parisien, 29 octobre 2019).

Je mets en ligne le billet que j'avais préparé pour Qub radio le 8 février 2019.

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Ces temps-ci, dans le cadre du débat sur le projet de loi portant sur les signes religieux, on entend beaucoup parler de « clause grand-père » (637 résultats sur le site de l'Assemblée nationale du Québec pour toutes les périodes).

Cette expression est obscure pour tout francophone. Elle n'évoque rien de bien clair, rien de bien précis. On se demande ce que le « grand-père » vient faire là ?

En fait c'est un calque littéral de l'anglais grandfather clause. Cette expression est motivée en anglais, c'est-à-dire qu'on peut en retracer l'origine et en comprendre le sens. Elle renvoie à l'histoire des États-Unis. De la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe siècle, pour empêcher que les Noirs puissent voter, certains États sudistes avaient adopté des lois qui accordaient le droit de vote seulement à ceux dont le grand-père avaient le droit de voter avant la guerre de Sécession (The Civil War, 1861-1865). Si vous aviez un grand-père qui avait le droit de voter à cette époque-là, vous aviez vous-même ce droit. Bien évidemment cette disposition éliminait d'emblée tous les Noirs, dont tous les grands-parents étaient alors esclaves…

L'expression est encore courante en anglais. De nos jours, de quoi s'agit-il ? C'est une « disposition permettant à une catégorie donnée de personnes de ne pas être assujetties à une nouvelle loi […] en raison des droits dont jouissaient ces personnes avant que cette loi […] n'entre en vigueur. » (Termium).

Par quoi devrait-on remplacer cet anglicisme obscur ?

Pour une loi, on parlera de clause d'antériorité (cf. Robert & Collins) - au nom du principe de non-rétroactivité des lois - ou de clause des droits acquis (cf. Baleyte J. et al., Dictionnaire économique et juridique).



Mots-clé : traduction anglais-français, calque, grandfather clause, *clause grand-père, *clause du grand-père, clause d'antériorité, clause des droits acquis.


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