Selon un coup de sonde que j’ai fait dans la base Eureka.cc du groupe Cision le 12-10-2024, le terme shrinkflation est apparu pour la première dans les médias anglophones nord-américains le 25-03-2017 dans The Christian Science Monitor. Il est apparu pour la première fois dans la presse francophone européenne (PFE) le 17-10-2021 dans une dépêche de l’AFP, grande pourvoyeuse d’anglicismes, reprise par plusieurs journaux français, soit près de 5 ans plus tard.
Pour remplacer ce mot-valise anglais (shrink + inflation), le terme réduflation a été proposé. En Europe francophone, il n’a pas connu de succès, même s’il n’est pas complétement absent de la presse. Il est apparu dans la PFE le 26-01-2022, soit environ 3 mois plus tard seulement.
En date du 12-10-2024, le terme shrinkflation était mentionné 2809 fois dans la PFE ; réduflation, 578 (près de 5 fois moins). C’est une première preuve du succès très limité du terme. Si l’on interroge la base pour savoir quand les 2 mots (shrinkflation ET réduflation) sont employés ensemble, on obtient 519 fois. Si l’on demande combien de fois réduflation est employé tout seul (réduflation SANS shrinkflation), on obtient 59 fois seulement. C’est là le véritable signe de la vitalité très limitée du terme. En revanche, si l’on demande combien de fois shrinkflation est employé seul (shrinkflation SANS réduflation), on obtient 2290 fois (près de 40 fois plus). Là, c’est le signe de la (grande) vitalité du terme anglais.
On doit se demander pourquoi réduflation ne s’est pas implanté dans la PFE. Les raisons du succès ou de l’échec d’une création lexicale sont toujours multiples, complexes, difficiles à cerner. J’en parle plus en détail dans Le naufrage du français, le triomphe de l’anglais, PUL, 2024 (p. 168-172).
Dans ce cas, le délai entre l’introduction de l’anglicisme et l’emploi d’un néologisme de rechange a été très court. Il ne semble donc pas qu’il faille chercher la raison dans une longue implantation de l’anglicisme.
En revanche, l’artificialité du terme est à prendre en compte. Contrairement à ce que dit le Grand Dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française, qui le « trouve acceptable parce qu’il s’intègre bien au système linguistique du français » (sic), il est assez mal formé. En effet, la coupe ré-du-ction ne respecte pas le coupe syllabique normale, qui est ré-duc-tion. Elle va à l’encontre du sentiment de la langue. D’ailleurs la forme abrégée réduc s’emploie en langage familier pour réduction (50% de réduc). Il est étonnant que les inventeurs du terme réduflation n’y ait pas pensé. Pour respecter la règle, il aurait donc fallu proposer réducflation. (L’anglais shrink-fla-tion, quant à lui, respecte cette règle de base).
On trouve d’ailleurs quelques (rares) exemples de cette forme plus régulière comme celui-ci :
« Diminuer la quantité dans un paquet ou une bouteille et les vendre au même prix, voire plus cher. Mesquine, déloyale, cette détestable pratique des fabricants pour camoufler une hausse du prix, aussi appelée shrinkflation ou réducflation, n’est pas illégale [...]. » (60 Millions de consommateurs, 17-05-2024).
Rappelons aussi que le procédé de formation par mot-valise (portmanteau word) est typiquement anglais et qu’il respecte l’ordre des mots de cette langue, différent de celui du français.
Les règles de base à respecter dans la création d’un nouveau terme s’appellent clarté, précision et respect de la langue.
Mots-clés : anglicisme, création lexicale, néologisme, shrinkflation, réduflation, réduc, réducflation, implantation, succès, échec, Grand Dictionnaire de la langue française.
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