04 décembre 2019

Les jeunes et l'orthographe. Une enquête du Baromètre Voltaire.

Les jeunes sont-ils moins bons en orthographe ? Les réseaux sociaux nuisent-ils à l'acquisition de l'orthographe ? Une enquête du Baromètre Voltaire semble apporter quelques lumières sur le sujet. 
« Si vous êtes une jeune fille de 17 ans résidant dans les Pays de la Loire, née entre le 22 décembre 2003 et le 20 janvier 2004, que vous avez étudié le solfège, que vous aimez écouter de la musique (un peu de tout, de l’indie, de la folk, à la pop en passant par le métal), que vous lisez de la littérature étrangère et plusieurs autres genres de livres, que vous préférez Twitter et LinkedIn à Snapchat, que vous regardez Et tout le monde s’en fout sur YouTube plutôt que de chercher à gagner des amis sur les réseaux sociaux, alors le Bescherelle ne devrait plus avoir de secret pour vous ! »
Mots-clés: langue française; orthographe; maîtrise par les jeunes; baromètre Voltaire.

02 décembre 2019

À la défense du bon emploi de l'apostrophe en anglais.

Le fondateur de la société pour la défense du bon emploi de l'apostrophe en anglais baisse les bras devant tant d'ignorance...


Mots-clés : langue anglaise; emploi de l'apostrophe.

21 novembre 2019

Doit-on dire astronaute, cosmonaute ou spationaute ?

Billet rédigé à l'occasion du séjour du Québécois David Saint-Jacques dans la SSI (Station spatiale internationale).
« Après plusieurs années de préparation, l'astronaute canadien David Saint-Jacques et ses collègues, l'Américaine Anne McClain et le Russe Oleg Kononenko, se sont envolés avec succès ce matin à 6 h 31 (heure de Montréal) à bord d'une capsule Soyouz en direction de la Station spatiale internationale. » C'est l'occasion d'observer un curieux problème de dénomination.
- Qui est Oleg Kononenko? C'est un cosmonaute russe.
- Qui est Anne McClain? C'est une astronaute américaine.
- Qui est David Saint-Jacques ? C'est un astronaute canadien.
Si David Saint-Jacques était français, il serait un spationaute français. S'il était chinois, il serait un taïkonaute chinois (c'est un pléonasme, du moins pour nous, non-Chinois). S'il était indien (indien de l'Inde), il serait un vyomanaute….
Cette profusion de termes est étonnante parce que tous ces gens font le même métier, seule les différencie leur nationalité. Normalement pour un référent unique (une chose désignée), on n'a qu'un terme. Dans ce cas, on en déjà 5… Si une autre nation poursuivait un même programme, on en aurait possiblement un de plus…
Parmi ces cinq termes, y en a-t-il de plus valables, de mieux formés ?
Tous ont comme radical un mot du grec ancien naute (ναύτης = marin, navigateur), bien implanté dans les langues d'origine européenne. On se souvient des Argonautes (Αργοναῦται), un groupe d'hommes dirigés par Jason parti à la recherche de la Toison d'or sur le navire Argo. Le mot grec a donné en français nautique et nautisme.
Mais ils diffèrent par le préfixe :
·      pour les Américains, c'est quelqu'un qui navigue dans les étoiles (grec ἄστρον = étoile)
·      pour les Russes, quelqu'un qui navigue dans l'univers (russe космос = univers).
·      pour les Français, quelqu'un qui navigue dans l'espace (latin spatium = espace).
·      taïkonaute est formé à partir du mot chinois 太空 (taìkōng = espace) et du suffixe -naute.
·      vyomanaute est formé à partir du sanskrit व्योमन् (vyoman = ciel) avec le suffixe -naute.

Les différences de désignation pour un même concept s'expliquent par l'importance de la course dans l'espace et la susceptibilité des nations qui y sont engagées. Chacune veut avoir son terme propre. Il serait bon de simplifier en adoptant l'un d'entre eux. Mais lequel choisir ? Pour nous francophones, le choix est clair. En français, on ne parle pas de la conquête des étoiles ou du cosmos, mais de la conquête de l'espace (spatium). Le terme spationaute est donc le plus adéquat.
Mots-clés : terminologie; conquête de l'espace; navigateur; étymologie; astronaute; cosmonaute; spationaute; taïkonaute; vyomanaute.

17 novembre 2019

Pique-bois : anglicisme ou régionalisme ?



Pic noir
Grand pic
Pic-bois, j'veux pus m'en aller/J'entends le pic-bois dans son arbre/J'me sens loin mais je me sens ben/Laisse-moi pas revenir en ville/Tape-moi sur ma tête de bois/Pic-bois, laisse-moi pas tranquille (Beau Dommage)
 
Le mot pique-bois, utilisé au Canada pour désigner un oiseau de la famille des pics, est-il un anglicisme, comme on l'entend souvent, ou un régionalisme comme le disent certains dictionnaires ?
Ceux qui avancent que pique-bois serait un anglicisme font valoir que sa formation est parallèle à l'anglais woodpecker. Ce n'est pas une raison suffisante. Une forme parallèle n'est pas forcément une forme importée. La même image peut se retrouver dans des langues différentes (on dit pica-pau en portugais), d'autant plus que, dans le cas de cet oiseau, cette image s'imposait.
Le Trésor de la langue française affirme que ce mot est synonyme de pic et le classe parmi les régionalismes du Canada et de la Louisiane. Il donne une citation de l'auteur québécois Victor-Lévy Beaulieu : « Un tronc d'arbre déchiqueté par les coups de bec tenaces des pics-bois qui le laisseront à moitié mort (V.-L. Beaulieu, La Nuitte).
Le Petit Robert reprend ce que dit le TLF, avec une nuance cependant : « pic-bois ou pique-bois rare ou régional (Canada, Louisiane) Oiseau de la famille du pic. » Ce dictionnaire n'écarte donc pas la possibilité qu'il se dise ailleurs qu'au Canada et en Louisiane. Et il n'a pas tort.
Le Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré (1863-1872) donne « pique-bois pic noir, picus martius » sans aucune autre mention.
Mais surtout, on trouve chez Victor Hugo au moins deux citations dans deux ouvrages différents du mot pique-bois : « Les pique-bois grimpaient le long des marronniers en donnant de petits coups de bec dans les trous de l’écorce. » (Victor Hugo, Les Misérables, 1862). « C'était un doux parlage de tous à la fois, huppes, mésanges, pique-bois, chardonnerets, bouvreuils, moines et misses. » (Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866).
On sait que Victor Hugo aimait utiliser des régionalismes. Mais il s'agit de deux citations dont la scène se passe dans deux régions différentes, ce qui donne à penser que le mot s'emploie ou s'est employé dans une aire large.
Au Canada, le mot pique-bois apparaît très tôt dans les relations de voyageurs. Le Trésor de la langue française au Québec donne cette citation de Chrestien Le Clecq datant de 1691 : « Les pic bois, que nous appellons de ce nom, parce qu'ils prennent leur nourriture en picotant les troncs des arbres qui sont pourris, se distinguent par deux sortes de plumage; les uns sont mouchetez de noir & blanc; les autres sont tout noirs, & portent sur la tête une huppe d'un rouge admirablement beau : ils ont la langue extrémement dure, & aiguë comme des éguilles, avec laquelle ils font dans les arbres, des trous à y mettre le poing. » (Chrestien Le Clercq, Nouvelle relation […], 1691).
C'est dire qu'on peut éliminer l'hypothèse de l'anglicisme. Et aussi celle du régionalisme strictement canadien et louisianais. Le pique-bois canadien (le Grand Pic) n'est pas de la même espèce que le pique-bois européen (le Pic Noir), mais le mot est bien français.
Mots-clés : pic-bois; pique-bois; Grand Pic; Pic Noir; origine; anglicisme; régionalisme.

15 novembre 2019

Doit-on dire courir la chance de gagner ou tenter de gagner ?


Sur le site de Loto-Québec, on peut lire : « Gros lot remporté. Il est encore temps de vous procurer un billet et de courir la chance de gagner 5 voyages de rêve + 75 000 $ en argent. » Dans ce contexte, l'expression courir la chance est-elle bien employée ?
On peut en douter. Le Trésor de la langue française en 16 volumes ne traite pas ce syntagme. Le Nouveau Dictionnaire universel de la langue française, publié en 1856, indique : « Courir la chance Fig. : S'exposer, être exposé à; Courir le hasard. Courir la fortune [c'est-à-dire le sort, le destin]. Courir la chance. Courir un risque, un péril, des périls, etc. » Il cite Jean de La Fontaine : « Tout en nageant, ils imploraient le dieu/De l'humide et vaste lieu,/Le priant d'être sensible/Au sort qu'ils allaient courir/Et faisaient tout leur possible/Afin de ne pas mourir. »
On trouve l'expression chez Victor Hugo (Histoire d'un crime), parlant de la résistance au coup d'État de Napoléon III : « tout allait en avant avec une sorte d'emportement [l'organisation de la résistance populaire]; fallait-il suivre ou s'arrêter ? Fallait-il courir la chance d'en finir d'un coup, qui serait le dernier, et qui laisserait évidemment sur le carreau soit l'empire soit la République ? ». Et chez Victor Hugo encore (Le Prophète) : « Ils ont préféré ne pas courir la chance [prendre le risque de perdre leurs troupeaux] et ils l'ont signifié à Jésus sans détour. Et pourtant, cet hôte était le fils de Dieu, le Sauveur du monde ! La perte d'un troupeau de pourceaux était, en outre, compensée par la disparition des deux démoniaques qui jetaient le trouble dans la région. »
Il est sûr que l'expression courir la chance de + verbe est rare de nos jours. Dans la presse francophone européenne, on en relève seulement une trentaine d'exemples, et un seul de courir la chance de gagner : « courir la chance de gagner un bon d'achat » (La Dépêche du Midi, 21 novembre 2014). Ce qu'on trouve le plus souvent, c'est tenter la chance de gagner ou, plus souvent, tenter de gagner.
Courir la chance de est plutôt associé à prendre le risque de. L'association de courir la chance (idée négative de risque) et de gagner (idée positive de gain) est rare et contradictoire. Quand on joue à un jeu de hasard, on n'évalue pas le risque de perdre, mais plutôt la chance de gagner. Le slogan de La Française des Jeux « 100 % des gagnants au Loto ont tenté leur chance » est connu, même s'il n'insiste pas sur le fait que 100 % des perdants ont aussi tenté leur chance…
Conclusion : Il est plus logique d'inciter les joueurs à tenter de gagner, même si, dans le même temps, en achetant leur billet, ils courent la chance de perdre.
« Gros lot remporté. Il est encore temps de vous procurer un billet et de tenter la/votre chance de gagner 5 voyages de rêve + 75 000 $ en argent. »
Voir sur le site http://scientistsofamerica.com/index.php?texte=16 : « 100 % des gagnants d’un jeu de hasard auraient tenté leur chance ? Pas si sûr ! Une réclame émanant de la Française des jeux affirme que 100 % des gagnants au Loto ont, je cite, "tenté leur chance". On ne peut gagner si l’on ne joue pas, ce chiffre semble donc raisonnable et on n’en veut pas à la Française des Jeux d’utiliser ce slogan sans nous expliquer comment l’étude statistique a été conduite, ni même, si une étude statistique a effectivement été menée. Le public doit cependant se voir rappeler quelques faits. Tout d’abord, si 100 % des gagnants ont tenté leur chance, il est tout aussi vrai que 100 % des perdants ont tenté leur chance aussi. La symétrie entre les perdants et les gagnants s’arrête à ce pourcentage, car en nombre absolu, les perdants sont nettement plus nombreux que les gagnants. »
Mots-clés : langue française; impropriété; courir la chance de; prendre le risque de; tenter la chance de; Loto-Québec; La Française des Jeux.

Une curieuse expression : « radio parlée »


Il est une curieuse expression : radio parlée. C'est un peu comme monter en haut ou descendre en bas. Cela ressemble fort à un pléonasme. En effet, alors que le moyen d'expression du journal est l'écrit, celui de la télévision, le son et l'image, celui de la radio est le son, la parole (si l'on excepte la musique). On a du mal à imaginer une radio qui ne parle pas.
Alors d'où vient cette curieuse expression ? Dans la presse française, on la trouve pour la première fois dans Le Monde en 1996 : « Bien connue aux États-Unis, la "radio parlée" ou "talk radio" s'implante progressivement en Europe. Ce format, composé d'informations et d'émissions d'échange avec les auditeurs, commence à faire ses preuves en Grande-Bretagne et en Allemagne et en France séduit Europe 1 Communication et la Compagnie luxembourgeoise de télédiffusion (CLT) » (Le Monde, 27 avril 1996).
On le voit, il s'agit d'une traduction, - d'un calque -, de l'anglais talk radio. Mais cette traduction est maladroite et redondante. Elle repose sur la confusion de deux sens de to talk. Un sens (en emploi transitif) de ce mot est bien parler : to talk business se traduit par parler affaires ou parler business. Mais to talk a aussi un autre sens (en emploi absolu), à savoir converser, discuter, bavarder.
Une talk radio est une radio où l'on met l'accent sur les conversations, les discussions, les entretiens entre les journalistes, les experts et les auditeurs. On rencontre parfois les termes radio interactive ou radio participative, mais cela ne recouvre qu'un aspect de ce qu'est une talk radio et s'applique surtout aux radios non commerciales. En fait c'est une sorte de radio d'opinion, de radio-conversation, de radio-discussion ou, si l'on veut être critique de ce genre de radio, de radio-bavardage. Au Québec, on dirait de radio-placotage

Mots-clés : langue française; traduction anglais-français; calque; pléonasme; talk radio; radio parlée; radio interactive; radio participative; radio d'opinion; radio-conversation; radio-discussion; radio-bavardage; radio-placotage.