17 novembre 2019

Pique-bois : anglicisme ou régionalisme ?



Pic noir
Grand pic
Pic-bois, j'veux pus m'en aller/J'entends le pic-bois dans son arbre/J'me sens loin mais je me sens ben/Laisse-moi pas revenir en ville/Tape-moi sur ma tête de bois/Pic-bois, laisse-moi pas tranquille (Beau Dommage)
 
Le mot pique-bois, utilisé au Canada pour désigner un oiseau de la famille des pics, est-il un anglicisme, comme on l'entend souvent, ou un régionalisme comme le disent certains dictionnaires ?
Ceux qui avancent que pique-bois serait un anglicisme font valoir que sa formation est parallèle à l'anglais woodpecker. Ce n'est pas une raison suffisante. Une forme parallèle n'est pas forcément une forme importée. La même image peut se retrouver dans des langues différentes (on dit pica-pau en portugais), d'autant plus que, dans le cas de cet oiseau, cette image s'imposait.
Le Trésor de la langue française affirme que ce mot est synonyme de pic et le classe parmi les régionalismes du Canada et de la Louisiane. Il donne une citation de l'auteur québécois Victor-Lévy Beaulieu : « Un tronc d'arbre déchiqueté par les coups de bec tenaces des pics-bois qui le laisseront à moitié mort (V.-L. Beaulieu, La Nuitte).
Le Petit Robert reprend ce que dit le TLF, avec une nuance cependant : « pic-bois ou pique-bois rare ou régional (Canada, Louisiane) Oiseau de la famille du pic. » Ce dictionnaire n'écarte donc pas la possibilité qu'il se dise ailleurs qu'au Canada et en Louisiane. Et il n'a pas tort.
Le Dictionnaire de la langue française d'Émile Littré (1863-1872) donne « pique-bois pic noir, picus martius » sans aucune autre mention.
Mais surtout, on trouve chez Victor Hugo au moins deux citations dans deux ouvrages différents du mot pique-bois : « Les pique-bois grimpaient le long des marronniers en donnant de petits coups de bec dans les trous de l’écorce. » (Victor Hugo, Les Misérables, 1862). « C'était un doux parlage de tous à la fois, huppes, mésanges, pique-bois, chardonnerets, bouvreuils, moines et misses. » (Victor Hugo, Les Travailleurs de la mer, 1866).
On sait que Victor Hugo aimait utiliser des régionalismes. Mais il s'agit de deux citations dont la scène se passe dans deux régions différentes, ce qui donne à penser que le mot s'emploie ou s'est employé dans une aire large.
Au Canada, le mot pique-bois apparaît très tôt dans les relations de voyageurs. Le Trésor de la langue française au Québec donne cette citation de Chrestien Le Clecq datant de 1691 : « Les pic bois, que nous appellons de ce nom, parce qu'ils prennent leur nourriture en picotant les troncs des arbres qui sont pourris, se distinguent par deux sortes de plumage; les uns sont mouchetez de noir & blanc; les autres sont tout noirs, & portent sur la tête une huppe d'un rouge admirablement beau : ils ont la langue extrémement dure, & aiguë comme des éguilles, avec laquelle ils font dans les arbres, des trous à y mettre le poing. » (Chrestien Le Clercq, Nouvelle relation […], 1691).
C'est dire qu'on peut éliminer l'hypothèse de l'anglicisme. Et aussi celle du régionalisme strictement canadien et louisianais. Le pique-bois canadien (le Grand Pic) n'est pas de la même espèce que le pique-bois européen (le Pic Noir), mais le mot est bien français.
Mots-clés : pic-bois; pique-bois; Grand Pic; Pic Noir; origine; anglicisme; régionalisme.

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