13 mars 2016

Le dictionnaire Usito est-il fiable ? L'exemple de raquetteur.

Si l'on se fie à la lettre d'information publiée en mars 2016 par Usito, le mot raquetteur aurait deux sens : « le premier, panfrancophone, désigne une personne qui se déplace sur la neige en raquettes; le second, propre au Québec et absent des dictionnaires français, désigne un adepte de la raquette en tant que sport d’hiver. »

Effectivement, si l'on consulte le Nouveau Petit Robert et le Petit Larousse illustré, on constate que, selon ces dictionnaires, le mot raquetteur désigne une « personne qui se déplace sur la neige en (NPR) / avec des (PLI) raquettes ».  Le second sens est bien absent de ces dictionnaires courants.

Mais la consultation de dictionnaires courants est-elle suffisante pour qu'Usito puisse décréter qu'il existe un « sens propre au Québec », celui qui désigne « un adepte de la raquette en tant que sport » ?

Absolument pas. Usito, et ce n'est pas le seul cas, a commis là une faute de débutants. Comme si la langue française se limitait à ce qui est consigné dans les dictionnaires courants !

Un simple petit effort supplémentaire lui aurait permis d'éviter cette bévue. En effet, que lit-on dans le Grand Robert de la langue française, plus développé que le Nouveau Petit Robert ? On y lit ceci : « Raquetteur : personne qui se déplace en raquettes, qui fait de la raquette ». On voit que le sens d'« adepte de la raquette » n'est pas totalement absent de tous les dictionnaires français.

Surtout, si l'on se donne la peine de vérifier l'usage réel, et pas seulement de celui décrit par les dictionnaires, si l'on se donne la peine, par exemple, d'aller sur les sites français consacrés au sport de la raquette à neige (de nos jours, pas besoin d'être un lexicographe professionnel, tout le monde peut le faire grâce à Internet…), on constate du premier coup d'œil que cet emploi supposément « propre au français québécois » est courant… en France.

En voici trois exemples parmi une foule d'autres :

« Cependant, la neige demande un effort physique accru, complique l’orientation, et rend plus pointues les questions de sécurité, notamment face au risque d’avalanche. Le raquetteur (ou raquettiste) doit donc être en bonne condition physique, et s’attacher à acquérir les connaissances et les pratiques liées à la sécurité. » (Club alpin français : https://www.clubalpin-idf.com/raquettes/).

« En complément à la course et la randonnée, des ateliers organisés par la FFME, s'adressent au "raquetteur" débutant ou confirmé. » (Fédération française de la montagne et de l'escalade : http://www.ffme.fr/raquette-a-neige/article/juraquette-2011.html).

« Samedi. Entre le haut du col de Vars et le refuge Napoléon, splash, splash, 9 raquetteurs et, sissch, sissch, 9 skieurs s'élancent à l'assaut de la Tête de Paneyron 2787 m, 750 m de dénivelé, une paille, mais il est 13 h et le soleil tape dur. » (Club alpin français - Aix-en-Provence : http://caf-aix-en-provence.ffcam.fr/index.php?&alias=carnets_de_route&moid=88&function=display&insidefile=pcCarnetDetail.html&tplentry=cr&oid=T032:4y9ahm8v9f1o).

Dernière remarque : le terme raquettiste, absent des dictionnaires courants, est beaucoup plus rare que raquetteur, mais il existe quand même…

Usito devrait supprimer de son article raquetteur la marque topolectale QC (Québec), car le sens ainsi marqué est courant non seulement  au Québec, mais aussi en France. Plus généralement, il devrait s'attacher à être plus rigoureux dans ses recherches plutôt que décerner cette marque à de faux québécismes. Usito est-il une source lexicographique fiable ? On voit bien que non.


Mots-clés : langue française, langue française au Québec, dictionnaire, Usito, québécisme, faux québécisme, raquetteur.

02 mai 2015

"Nouilles à soupe" ou le charme (discret) de la traduction au pays...

À lire les emballages de trop de nos produits de consommation courante, on est consterné par la mauvaise qualité des traductions françaises. On pourrait croire qu'ici la traduction se réduit à trouver le premier équivalent français possible à un mot anglais.

Un exemple : La société Catelli vend des "soup noodles". Le traducteur francophone a accouché (sans trop se fatiguer) de... "nouilles à soupe".

Fastoche,  la traduction ! L'anglais "soup" se dit "soupe" en français et l'anglais "noodle" se dit "nouille". Comme vous connaissez la langue française, vous inversez l'ordre des mots et insérez, selon le cas, un petit "à" ou un petit "de".

L'algorithme est d'une simplicité enfantine :
anglais "soup noodles"
soup = soupe
noodles = nouilles
j'inverse l'ordre des mot : nouilles soupe
j'ajoute la préposition à : 
français (?) "nouilles à soupe"...

Et le tour est joué ! Au Canada, "soup noodles" sera vendu aux francophones sous le nom (ridicule) de "nouilles à soupe". C'est-tu pas beau ça ?

Si le traducteur "francophone" avait eu le courage de lire un peu plus loin que la première ligne de l'article "Noodle" du dictionnaire bilingue, il serait tombé sur l'expression "noodle soup" et aurait appris que le véritable équivalent français, son équivalent idiomatique, est "potage (au) vermicelle"...

Et donc que l'équivalent de "soup noodles" est... "vermicelle".

Oui, mais là, il lui aurait fallu un sacré courage (?) pour choisir un mot si éloigné de l'anglais...

La société Catelli n'est pas une petite "binnerie" de quartier. Elle devrait pouvoir se payer des traducteurs qualifiés.

Mots clés : langue française - Canada - traduction anglais-français - - traduction littérale- soup noodles - nouilles à soupe - vermicelle.

08 février 2015

Comment doit-on prononcer le nom de famille Porochenko ?

Dans la bouche de journalistes francophones, on entend souvent prononcer "Porotchenko" - avec un "tch" - le nom de famille du président de l'Ukraine. C'est une prononciation fautive.
Le nom du président de l'Ukraine s'écrit Порошенко en ukrainien et en russe. Il se transcrit normalement Poroshenko en anglais et Porochenko en français.
La prononciation erronée "Porotchenko" est donc fondée sur l'illusion qu'il s'agit d'une orthographe anglaise.
Dans ce cas, en français, le  digramme (groupe de deux lettres) "ch" se prononce "ch" comme dans "chêne" et non "tch" comme dans "tchèque".
Autrement dit, Porochenko se prononce en français comme ça s'écrit, avec un "ch".

Mots-clés : anglais; français; prononciation; translittération; mots slaves; Porochenko. 

27 juillet 2014

Faut-il dire "nightlife" ou "vie nocturne" ou "nuit" tout court ?

On constate que nightlife représente, au Canada, 80 % des occurrences sur Internet (langue : français; pays : Canada) et "vie nocturne", 20 %. Pour les sites situés en France, nightlife représente 53 %, "vie nocturne", 47 %.
 
Si on regarde du côté de la presse francophone, au Canada, nightlife représente 34 % des occurrences, "vie nocturne", 66 %; en Europe francophone, nightlife, 1,5 % et "vie nocturne", 98,5 %.
 
En Europe francophone, le terme nightlife se retrouve surtout dans les noms propres désignant, par exemple, un événement. Exemple : "Paris Nightlife".
 
Un autre équivalent très fréquent de nightlife, en fait plus fréquent que "vie nocturne", est "nuit" tout simplement. Ainsi on parlera de la "nuit parisienne".
 
Curieusement, au Québec, le terme nightlife est masculin, alors qu'on attend tout naturellement le féminin selon la règle (non absolue), qui veut que le genre des mots anglais s'aligne sur celui de l'équivalent français attendu. Exemple : la nightlife parce qu'on pense à "vie nocturne", une success story, parce qu'on pense à "histoire d'une réussite", etc.
 
Au Québec, success story est généralement masculin parce qu'on y a tendance à mettre au masculin les mots anglais terminés par une voyelle. Exemple : un aréna, un party. Les mots anglais terminés par une consonne y sont généralement féminins. Exemple : une sandwich, une toast, etc.
 


Enfin, dans la presse francophone européenne, on associe plus souvent le mot nightlife au monde anglo-saxon et "vie nocturne" ou "nuit" tout court au monde francophone. Ainsi on n'y trouve pas d'exemples du syntagme "nightlife parisienne", mais des exemples de "nightlife londonienne", alors qu'on trouve beaucoup d'exemples du syntagme "vie nocturne parisienne" et, plus encore, "nuit parisienne" à côté naturellement de "vie nocturne londonienne" et, plus encore, "nuit londonienne".

Mots clés : français, français de France et français du Québec, anglicisme, genre, nightlife, vie nocturne, nuit parisienne.
 
 

23 mai 2014

Mots nouveaux : les choix du Petit Robert et du Petit Larousse illustré, édition 2015

C'est la période de sortie des nouvelles éditions des dictionnaires. Chaque année, on attend avec intérêt la liste des nouveaux termes admis au dictionnaire. Voici ce qu'en dit :
- le Huffingtonpost :
http://www.huffingtonpost.fr/2014/05/22/nouveaux-mots-dictionnaire-2015-robert-larousse_n_5370226.html?utm_hp_ref=France
- L'Express :
http://www.lexpress.fr/styles/saveurs/le-petit-robert-met-enfin-a-jour-ses-termes-gastronomiques_1545500.html
- FranceTvInfo :
http://culturebox.francetvinfo.fr/livres/evenements/oui-a-vapoter-non-a-zlataner-qui-decide-des-nouveaux-mots-du-dictionnaire-156545

Mots-clés : français, mots nouveaux, néologie, dictionnaire, Petit Robert, Petit Larousse illustré, édition 2015.
 

06 avril 2014

L'avenir du français dans le monde

Il existe toute une rhétorique autour de l'avenir du français. La plupart du temps, elle repose sur des calculs très hypothétiques. En voici un bel exemple.

Mots-clés : francophonie, calcul, locuteur, idéologie.