29 janvier 2014

Quand j'étais petiot… Variation sur la variation linguistique...

Quand j'étais p'tiot  j'aimais aller nadouiller avec les autres chtis. Nous ramassions des azerottes et chopions des moutelles. Une fois, je m'ai empigé et j'ai tombé dans la gouille. Il venait tout juste de tomber un gros gareau. En me relevant, j'ai gaugé… J'étais tripé. Remarquez, vaut mieux tomber dans la gouille que dans les éronces ou les ortilles…

Une autre fois, j'ai descendu dans la cave. Je croyais avoir entendu un ravouzeux. Mais c'était une rate. J'aurais dû laisser la loupiote clairer. Je m'ai beugné un sacré coup !

En ce temps-là, il y avait beaucoup d'aigaisses, des crâs, des tia-tias, des jacques et même quelques houpottes, qui faisaient houp-houp-houp. Les houpottes, c'est moins méchant que les ouillotes.

Certaines années, nous chopions des cancouennes pour les faire voler dans la classe ou nous lancions des cricris. Combien de calottes nous avons eu en récompense de nos exploits !

Nous aimions lancer des pignolos dans les cheveux des filles, surtout les plus peutes, ou glisser des graines de gratte-cul dans leur corsage. Nous mettions aussi des gravelles dans les souliers du maître. Dans la cour, nous jouions aux barres et aux gobilles. On a ramassé pas mal de beugnes !

Des fois, nous allions dans le bois ramasser des ételles dans des grandes charpeignes. Nous avions peur de nous faire piquer par des tavins ou de choper un loup de bois ou, pire encore, de nous faire mordre par une serpent.

Pour les quatre-heures, nous avions du pain, deux crans de chocolat et quelques grumes de raisin. Une fois, nous avons bu en cachette du vin nouveau, du noah, comme de vrais soûlons. C'était une horrible pistrouille. Elle nous a fichu le virot et une de ces… drouilles!

Une autre fois, je m'ai plaint d'avoir un chenil dans les yeux. « Un chenil avec combien de chiens ? » m'a demandé le maître, narquois…

Remarque : Les défenseurs de la « variation linguistique » considèrent en général qu'il suffit de préserver l'unité des « structures profondes » de la langue (qu'ils assimilent à la morphologie et à la syntaxe) pour maintenir l'intercompréhension entre francophones. On pourrait donc accepter sans difficulté les « variations de surface » (qu'ils assimilent au lexique, au vocabulaire).

Le petit texte qui précède montre, au contraire, qu'on peut très bien respecter les « structures profondes » du français (le bourguignon est une variété de français) et produire cependant un message quasiment incompréhensible pour les non-Bourguignons du fait de la variation lexicale.

Mots-clés : français; variation linguistique; intercompréhension; français régional de Bourgogne; burgundisme; Corberon.

1 commentaire:

  1. Lexique du texte
    p'tiot : petit
    nadouiller : patauger dans l'eau; ne rien faire
    ch'ti : petit, enfant (malingre)
    azerotte : traîne-bûche (sorte de larve)
    moutelle : sorte de petite loche
    s'empiger : s'empêtrer, se prendre les pieds dans qch. (au Québec s'enfarger)
    gouille : boue, vase
    gareau : grosse averse (de pluie)
    gauger : se mouiller les pieds dans l'eau
    tripé : trempé
    éronce : ronce
    ortille : ortie
    ravouzeux (rat voiseux) : lérot
    rate n. fém. : souris (femelle du rat!)
    loupiote : petite lampe
    clairer : être allumé (d'une ampoule, d'une lampe)
    beugner : cogner; se beugner : se cogner
    une beugne : un coup, un gnon
    ételles : copeaux
    charpeigne : grosse corbeille
    tavin : taon
    loup de bois : tique
    serpent n. fém.
    quatre-heures : goûter
    cran de chocolat : partie d'une tablette de chocolat, rangée de chocolat
    grume : grain de raisin
    noah : sorte de cépage (interdit depuis!)
    soûlon : soûlard
    pistrouille : boisson de mauvaise qualité
    chenil, ch'nil : poussière
    drouille : colique
    aigaisse : pie
    crâ : corbeau, corneille
    tia-tia : étourneau
    jacques : geai
    houpotte : huppe (oiseau)
    ouillotte : oie
    cancouenne : hanneton
    cricri : grillon
    pignolo : capitule de la bardane
    peu, peute : laid, laide
    gratte-cul : cynorhodon
    gravelle : petit caillou
    barre : jouer aux barres : sorte de jeu
    gobille : sorte de bille

    RépondreSupprimer