07 février 2017

Doit-on traduire "alternative facts" par "faits alternatifs"?


Cet emploi d'"alternatif", dans le sens de "qui représente une autre solution", nous est venu de l'anglais : "an alternative idea, plan, etc. is different from the one you have and can be used instead. For example : Alternative way, approach, means, view"

De ce fait, il est critiqué. Cependant il est largement entré dans l'usage. Par exemple, on dit couramment : "peine alternative", "médecine alternative", "mondialisation alternative" (Nouveau Petit Robert). Donc l'expression "faits alternatifs" n'est pas à rejeter absolument, à moins d'être très puriste.

Maintenant si l'on veut faire comprendre de quoi il s'agit, on peut dire que ces "alternative facts" sont des "faits qui infirment" ce que les medias ont dit, des "faits opposés" à ceux des medias, des "faits en contradiction avec" ce qu'ont dit les médias, d'"autres faits". Ce sont, en quelque sorte, des "contre-faits". Mais, par son côté équivoque, l'expression est assez amusante dans la mesure où les "contre-faits" ont peut-être été "contrefaits"…

Dans l'esprit de son auteure, il s'agissait certainement de dire qu'elle avait des "faits à opposer" à ceux des medias, en quelque sorte des "faits de rechange", comme il y a des "solutions de rechange" ou des "faits de substitution". Ce qui n'a fait qu'aggraver son cas. En effet, les faits sont têtus, comme on dit. Contrairement à une opinion, on ne peut pas les changer...


Les journaux ont répété à l'envi que le syntagme « alternative facts » se trouvait déjà dans 1984 d'Orwell. Vérification faite, ce n'est pas exact. Ce serait donc là encore un « fait alternatif »... Le seul passage où le terme fact est employé dans un contexte qui rappelle l'expression en question est celui-ci : « Very likely the confessions had been rewritten and rewritten until the original facts and dates no longer had the smallest significance. The past not only changed, but changed continuously. » (chap. VII). En réalité, il s'agirait donc non pas d'une expression d'Orwell lui-même, mais plutôt d'une expression orwellienne...

Je relève dans le blog de Louis-Jean Calvet un équivalent intéressant, « vérité alternative » : « Il y a près de trente ans, la gauche américaine nous a vendu une notion un peu floue qui s’est peu à peu imposée jusqu’à ressembler à une forme d’autocensure permanente : le politiquement correct, qui a d’ailleurs fait des petits (« ce n’est pas hallal », « ce n’est pas kasher »...). Voici que la droite, toujours américaine, tente d’imposer un nouveau gimmick, les alternative facts ou, si vous préférez, les vérités alternatives. C’est assez facile à comprendre : si la presse ou la télé raconte les résultats d’une enquête vous concernant de près ou de loin, ou qui vous dérange ou ne vous plaît pas, si vos voisins rapportent ce qu’ils savent ou croient savoir de vous, ne perdez pas votre temps à tenter de démontrer le contraire, exposez des faits alternatifs, une autre vérité, si invraisemblable soit-elle ».


Mots-clés : traduction anglais-français; alternative facts; faits alternatifs; faits de rechange; faits de substitution; contre-faits; vérité alternative; Orwell; Louis-Jean Calvet.

1 commentaire:

  1. Au lieu de "faits alternatifs" je dirais plutôt "une autre façon de voir les choses c'est..." ou "de mon point de vue, il s'agit plutôt de...".

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