MENEY, Lionel, DICTIONNAIRE QUÉBÉCOIS-FRANÇAIS. POUR MIEUX SE
COMPRENDRE ENTRE FRANCOPHONES, Guérin éditeur, Montréal, 1999, 1884 p., ISBN
2-7601-5482.
Dictionnaire bidialectal français du Québec-français de France, le premier de ce type dans toute la Francophonie, et l’un des premiers dans le monde.
Deux constatations au départ
« Deux peuples séparés par une même langue » : le mot d’esprit attribué à Bernard Shaw pour caractériser les différences existant entre Anglais et Américains pourrait aussi bien s’appliquer aux Français et aux Québécois. En effet, tout Québécois qui a eu l’occasion de parler avec des Français ou de voyager en France, tout Français qui a parlé avec des Québécois ou a voyagé au Québec sait d’expérience qu’il existe des différences très importantes entre les deux variétés de français parlées des deux côtés de l’Atlantique.
Dictionnaire bidialectal français du Québec-français de France, le premier de ce type dans toute la Francophonie, et l’un des premiers dans le monde.
Deux constatations au départ
« Deux peuples séparés par une même langue » : le mot d’esprit attribué à Bernard Shaw pour caractériser les différences existant entre Anglais et Américains pourrait aussi bien s’appliquer aux Français et aux Québécois. En effet, tout Québécois qui a eu l’occasion de parler avec des Français ou de voyager en France, tout Français qui a parlé avec des Québécois ou a voyagé au Québec sait d’expérience qu’il existe des différences très importantes entre les deux variétés de français parlées des deux côtés de l’Atlantique.
L'existence de ces différences importantes entre deux variétés
d'une même langue justifie la nécessité d'en faire la description
lexicographique.
D'autant plus qu'une autre constatation s'impose : l'absence
de dictionnaire, tant au Québec qu’en Europe francophone, qui remplisse cette
fonction de façon satisfaisante, qui réponde pleinement aux attentes du public,
c’est-à-dire un ouvrage a) lexicographiquement fiable, b) donnant l’essentiel
des particularités du français québécois (grammaire et vocabulaire) et c) en
les comparant systématiquement au français de France dans son usage réel.
C'est de cette double constatation qu'est né le Dictionnaire
québécois-français (DQF).
Le projet lexicographique
Le DQF vise donc à combler cette lacune, à être, selon
l’expression employée aux premiers temps de la Nouvelle-France, un
« truchement », un intermédiaire, un interprète, entre francophones
de différentes origines, d'où son sous-titre (apparemment) paradoxal : « pour
mieux se comprendre entre francophones ».
Contrairement aux ouvrages antérieurs, il n'est pas un simple
glossaire, c'est-à-dire un ouvrage qui donne l'explication de termes anciens ou
particuliers (voir, par exemple, le Glossaire du parler français au Canada).
Il n'est pas non plus un dictionnaire « global »
unilingue (= qui décrirait la totalité du parler des Québécois, ce qu'ils
partagent avec les autres francophones et ce qui leur appartient en propre),
mais un dictionnaire d'un type nouveau, « différentiel » (= qui ne traite
que des différences), conçu sur le principe des dictionnaires bilingues,
c’est-à-dire sur la juxtaposition des termes non pas de deux langues
différentes, mais de deux variétés de langue ou dialectes différents.
Dans cet ouvrage, la variété de langue de départ est le français
du Québec et celle d’arrivée,
celui de France.
Il reste à faire un ouvrage qui aurait le français de France comme
point de départ et celui du Québec comme point d’arrivée. Cet ouvrage devrait
être rédigé par un locuteur natif du français québécois.
Il faut bien comprendre où se situe un dictionnaire bidialectal
dans l’ensemble des dictionnaires de langue.
Un glossaire donne des explications pour comprendre un
terme ancien, spécial ou mal connu.
Un dictionnaire bilingue donne l'équivalent (ou les équivalents)
d'une langue L1 dans une langue L2.
Un dictionnaire bivariétal donne l'équivalent (ou les équivalents)
d'une variété de langue V1L dans la variété V2L de la même langue, selon le
tableau suivant :
Dictionnaire unilingue global
|
Tous les termes de L
|
Description dans les termes de L
|
Dictionnaire bidialectal
|
Termes de V1L
|
Équivalent(s) en V2L
|
Dictionnaire bilingue
|
Termes de L1
|
Équivalent(s) en L2
|
Glossaire
|
Termes de L1
|
Explication du sens en L1 ou en L2
|
L = langue VL=
variété de langue
Exemple :
Glossaire
|
placoter
|
parler beaucoup, à tort et à travers, potiner.
|
Dictionnaire bidialectal
|
placoter
|
papoter
|
Dictionnaire bilingue
|
papoter
|
to chatter
|
Le DQF
est, au sens strict, un dictionnaire différentiel bidialectal. Il a pour objectifs
de donner : a) aux francophones québécois les équivalents de leurs mots en
français de France et b) aux francophones non québécois la possibilité de mieux
accéder à la connaissance du Québec en leur facilitant la lecture de sa presse
et de ses œuvres littéraires. Le DQF est, en quelque sorte, un dictionnaire de
thème pour les Québécois et de version pour les non-Québécois.
Un vaste
corpus québécois
Le DQF est ce qu'on appelle un dictionnaire de corpus. Sa rédaction s’est
faite sur la base d’un vaste corpus de textes québécois. Cette base de données
lexicographiques totalise plusieurs millions d’occurrences. Elle comprend des
séries de numéros des principaux titres de presse canadiens-français (Le
Devoir, Le Droit, Le Journal de Montréal, La Presse, Le Soleil, Voir, etc.).
De plus, afin de rendre plus accessible la culture québécoise,
elle couvre une partie de l’œuvre des principaux romanciers, dramaturges,
poètes, auteurs-compositeurs, humoristes québécois. C’est ainsi
que, grâce au DQF, l’œuvre de créateurs aussi différents que Victor-Lévy
Beaulieu, la Bolduc, Yvon Deschamps, Richard Desjardins, Clémence Desrochers,
Réjean Ducharme, Germaine Guèvremont, Claude Jasmin, Plume Latraverse, Félix
Leclerc, Roger Lemelin, Raymond Lévesque, Doris Lussier, Gaston Miron, Pierre
Perrault, Luc Plamondon, Michel Rivard, Gabrielle Roy, Félix-Antoine Savard,
Michel Tremblay, Gilles Vigneault, etc. sera désormais plus facilement
accessible aux non-Québécois et même aux Québécois des jeunes générations, qui
ne connaissent plus de nombreux mots employés naguère par leurs parents ou
grands-parents.
Enfin,
une partie importante des sources lexicographiques provient des émissions de
radio et de télévision (journaux et feuilletons télévisés, etc.), de la
publicité, de l'affichage public et de la langue des emballages des produits de
consommation courante. En un mot, pratiquement l'ensemble de l'environnement
linguistique franco-québécois.
Une
importante nomenclature
Le DQF ne couvre, nous l'avons dit plus haut, que la partie du
français québécois qui diffère du français de France. Mais il n’est pas
toujours facile de savoir ce qui est proprement québécois et ce qui ne l’est
pas. C’est pourquoi il a fallu établir une liste précise de critères pour
définir les termes (structures, mots et expressions) propres au français
québécois. Pour ce faire, nous avons retenu :
a) les termes qui ne s’emploient pas en français de France (atoca,
drab, s’épivarder, épluchette, s’éjarrer, placoter, etc.);
b) les termes qui s'emploient en français de France, mais avec des
caractéristiques morphosyntaxiques différentes (autobus est féminin, culottes est pluriel en
français québécois populaire);
c) les mots qui s’emploient en français de France, mais avec une
acception différente (bête, cave, déjeuner, dîner, fin de semaine, innocent,
gosse, malin, souper, etc.);
d) les mots qui s’emploient en français de France, mais avec une
fréquence différente (présentement, possiblement, etc.);
e) les mots qui s’emploient en français de France et en français
québécois, mais sont absents des dictionnaires courants et/ou sont critiqués
(par exemple, certains emplois d’alors que, de malgré que + subjonctif, de l’adjectif disponible).
Un des intérêts majeurs du DQF est qu’il donne des milliers de
syntagmes figés, de collocations et de tournures phraséologiques, ce
qu’apprécieront les professionnels de la langue (journalistes, rédacteurs,
traducteurs, réviseurs, attachés de relations publiques, professeurs, etc.).
Voir par exemple :
- briser (un bail, un consensus, la consigne, un
contrat, des conditions, une promesse, un record, des règles, l’égalité, etc.);
- régulier (alignement, armée, base, billet, budget,
calendrier, classe, commerce, croustilles, employé, format, gas, heures, match,
prix, professeur, séance, taille, etc.);
- servir (un argument, des attaques, un
avertissement, une condamnation, un conseil, un coup, une peine, une leçon, un
ultimatum, etc.);
- sur (l’acide, l’aide sociale,
l’assurance-chômage, l’avion, l’autobus, la rue, une base journalière, la bum,
la coke, un comité, un conseil, une diète, l’équipe, la ferme, la finance,
l’heure du dîner, un horaire, la job, le party, les pilules, un quart de
travail, etc.).
Pour chacun de ces exemples, le lecteur trouvera l’équivalent ou
les équivalents en français standard.
Un autre trait original du DQF est la place qu'il accorde à la phraséologie, un des domaines qui,
avec les mots du lexique, distingue le plus le français québécois du français
de France et représente, par le fait même, un obstacle important à
l'intercompréhension. Voir par exemple : passer dans le beurre, dormir
sur la switch, attendre avec une brique et un fanal, avoir de la broue dans le
toupet, patiner sur la bottine, mettre sur la map, avoir besoin de tout son
petit change, le chat est sorti du sac.
Le DQF est non seulement un dictionnaire de langue, mais aussi un
dictionnaire lexiculturel. Il traite de nombreuses notions culturelles
essentielles pour la compréhension du Canada français d’autrefois et du Québec
d’aujourd’hui. Voir par exemple :
- les articles : bill, Bleu, Canadien, commission,
conscription, constitution, grève, joual, loi, Patriote, rapport, Rouge,
trudeaumania.
- des expressions comme : beau risque, coup de la Brink’s,
enfant de Duplessis, grande noirceur, tempête du verglas, tête à Papineau,
trois colombes.
- des noms de personnages, qui ont laissé leur marque dans
l’univers québécois, comme : Alexis le Trotteur, la Corriveau, les
sœurs Dionne, le frère André, Jos. Montferrand, le Géant Beaupré, Louis Cyr.
- les tableaux comparatifs : A, a. m., année, déjeuner,
étudiant, étage, Fahrenheit, impérial, primaire, secondaire, vacant.
Traitement lexicographique : des données grammaticales...
Le DQF fournit tous les renseignements grammaticaux nécessaires
lorsqu'ils diffèrent du français de référence, comme :
- les variantes orthographiques, en particulier dans
le cas des emprunts à l’anglais (fun ou fonne); en général, il traite le mot anglais
sous son orthographe anglaise, mais il donne aussi toutes les variantes
orthographiques dues soit au désir d’intégrer le mot au français québécois,
soit à la fantaisie de l’auteur (voir pow-wow, wagon, etc.); d’autres,
plus intégrés phonétiquement et orthographiquement, sont traités sous leur
forme québécisée (voir bécosse, pinotte, etc.); les crochets indiquent une
orthographe fantaisiste ou fautive;
- les formes grammaticales qui s’écartent de la norme, par
exemple les différences de :
- genre et de nombre :
- genre des mots commençant par une voyelle (une ascenseur,
une autobus, une avion, etc.);
- genre des emprunts à l'anglais (une business, une
gang, une job, une sandwich, etc.);
- nombre de certains termes (prendre une vacance; les quartiers
généraux de l’armée, les argents, etc.);
- morphologie : traitement particulier de la féminisation des titres et
fonctions (une chercheure, etc.);
- construction des noms, des
adjectifs et des verbes :
- transitivité : circuler un document, contribuer une
somme d’argent, obstiner qqn, etc.
- préposition : commenter sur qch., compenser pour qch., lutte à qch., etc.
- conjonction : insister que, etc.
- différences dans l’emploi des prépositions; voir par
exemple : à, après, de, dans, sous, sur (voir aussi
collocations ci-dessus), etc.
et des équivalents exacts dans l’autre variété de langue...
Contrairement à la plupart des ouvrages existants, le DQF ne se
contente pas de donner des équivalents généraux ou approximatifs. Il se fixe
pour objectif de donner l'équivalent ou les équivalents exacts dans une même
situation de communication.
C'est pourquoi la plupart des termes de la variété de langue
d'arrivée (le français de France) sont caractérisés par une marque d'usage (soutenu,
familier, vulgaire, technique, etc.). Il s'efforce aussi de donner, ce qui
est très nouveau, des équivalents non seulement de sens, mais aussi d'image
(par exemple, virer capot sera rendu par retourner sa veste (fam.); avoir une craque
dans la tête, par être fêlé (fam.)
De plus le DQF s’attache à ne donner que des équivalents
attestés, soit dans les dictionnaires généraux (Le Trésor de la langue
française, Le Grand et Le Petit Robert, Le Grand et Le Petit Larousse, etc.), soit, lorsque
les dictionnaires sont lacunaires, dans un corpus linguistique français établi
spécialement à cet effet (journaux et magazines français). Il s’interdit toute
création terminologique, si bien que le lecteur peut être sûr que les formes
qu’il trouve dans cet ouvrage sont des formes réellement en usage, et non des
créations de terminologue.
- pour la richesse lexicale du français standard, voir par
exemple : balance du pouvoir, bain-tourbillon, moto-marine,
téléavertisseur;
- pour les marques d’usage, voir par exemple : magasiner;
- pour
les niveaux de langue, voir par exemple : bouffer, pogner, proprio.
Des
milliers de citations québécoises
Contrairement à la plupart des ouvrages sur le marché, le DQF ne
comprend pas d’exemples forgés par l’auteur. Les milliers d’exemples qui
illustrent les emplois proviennent d’un vaste corpus de textes québécois
authentiques. Il fait donc d’une pierre deux coups : il illustre les sens
des mots québécois et rend accessible au public, en particulier au public non
québécois, des œuvres difficiles d’accès (par exemple, celle de Michel
Tremblay, d'Yvon Deschamps, de Richard Desjardins, de Gérald Godin, de Plume
Latraverse).
De ce
point de vue, le DQF est aussi non seulement un dictionnaire de langue, mais
aussi un dictionnaire de culture, qui devrait favoriser et faciliter le
développement des études québécoises à l’extérieur.
Des
exemples tirés des médias français
Les
équivalents français du DQF dépassent les limites de ce qu’on trouve dans les
dictionnaires courants. Grâce à la constitution d’une base de données sur le
français standard contemporain (composée à partir du dépouillement de journaux
et de magazines français comme Libération, Le Point, L’Express, Le Nouvel
Observateur,
d’émissions de télévision, de catalogues, d'enquêtes sur place, etc.), il donne
de nombreux termes absents de ces ouvrages, mais pourtant employés couramment
par les autres francophones. Ces termes seront particulièrement appréciés par
tous les professionnels de la langue.
Origine
et correction des termes
Le DQF donne l’origine de la plupart des termes, qu’ils
proviennent des parlers de l’Ouest et du Nord-Ouest de la France (achaler,
cretons, gosser, etc.), du moyen français et du français classique (s'abrier,
blé d'Inde, fève), des langues amérindiennes (atoca, achigan, carcajou), de l’anglais
(emprunts directs : chum, coat, cute; emprunts de sens : agenda pour ordre du jour, alignement pour parallélisme, définitivement pour sans aucun
doute;
calques : payeur de taxes pour contribuable, changement
d'huile
pour vidange du moteur), ou qu’ils soient des créations québécoises (acériculture,
débarbouillette, décrochage).
Même si le DQF est un dictionnaire descriptif et non pas
prescriptif, il permet de repérer les faux anglicismes, ces mots trop vite
considérés comme influencés par l'anglais, alors qu’ils proviennent du moyen
français ou du français classique (appartement pour pièce, délai pour retard).
Inversement,
il donne tous les véritables anglicismes à éviter en français standard (voir
par exemple : corporatif, communautaire, légal, monétaire, régulier).
Une note
d’humour
La
comparaison de deux variétés d’une même langue produit parfois des effets
amusants, sans que cela puisse être considéré comme blessant. Le DQF donne un florilège d’histoires drôles et de blagues,
qui se justifient dans un tel dictionnaire pour la bonne raison qu’elles sont fondées
sur des jeux de mots possibles en québécois seulement, mais pas en français de France. Ainsi la devinette
suivante ne s'explique que par le double sens de l'expression en arracher (= en arracher, au sens propre, et en baver, au sens figuré) en français québécois :
- Quelle est la devise des dentistes ?
- Moins j’en arrache, plus j’en arrache... Plus j’en arrache, moins j’en
arrache !...
Voir d'autres exemples sous : accoter; affaire; babillard;
bête; bœuf; câlice; calvaire; ciné-parc; crisse; crisser; épais; après;
gambler; gosse; gratteux; hostie; Newfie; position; répondre; sacre;
tabarnouche; tabarouette; toilette; verge.
Au total, le DQF compte quelque 10 000 entrées, plusieurs
dizaines de milliers d’acceptions différentes, plusieurs dizaines de milliers
d’expressions figurées, plusieurs dizaines de milliers d’équivalents en
français de France ou de référence. Ce qui en fait certainement le
dictionnaire du français québécois le plus complet actuellement sur le marché.
Mots-clés : langue française, français québécois, français de France, variation linguistique, étude contrastive ou différentielle, lexicographie, dictionnaire, dictionnaire bidialectal ou bivariétal, Dictionnaire québécois-français, Lionel Meney.
Mots-clés : langue française, français québécois, français de France, variation linguistique, étude contrastive ou différentielle, lexicographie, dictionnaire, dictionnaire bidialectal ou bivariétal, Dictionnaire québécois-français, Lionel Meney.
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